Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pions afin que leurs coursiers reprissent haleine, le prince Jean, armé de son bâton de commandement, fit signe aux trompettes de sonner la charge. Les deux combattants s’élancèrent donc une seconde fois l’un vers l’autre dans le centre de la lice, avec la même vitesse, la même dextérité, la même violence, mais non avec la même fortune qu’auparavant. Dans cette deuxième rencontre, le templier visa le centre du bouclier de son antagoniste et le toucha si juste et avec tant de vigueur que sa lance se brisa et que le chevalier déshérité chancela sur sa selle. De son côté celui-ci avait, au commencement de sa course, dirigé la pointe de sa lance sur le bouclier de Bois-Guilbert ; mais changeant cette direction au moment de la rencontre, il pointa le haubert, endroit plus difficile à toucher, mais qui, lorsqu’on l’atteignait, rendait le choc irrésistible. Cependant, malgré ce désavantage, le templier soutint sa haute réputation, et si la sangle de la selle ne se fût pas rompue, il ne fût pas tombé de cheval. Dans cet accident, la selle, le coursier et le chevalier roulèrent dans des flots de poussière.

Se dégager des étriers et se relever fut pour le templier l’affaire d’un moment. Outré de fureur de sa disgrâce et des applaudissements qu’elle avait amenés, il saisit son épée et la brandit en signe de défi devant son adversaire. Le chevalier déshérité descendit vite de cheval, et tira aussi son épée ; mais les maréchaux du tournoi poussèrent leurs chevaux entre les deux combattants, auxquels ils rappelèrent que les règles du tournoi ne permettaient point dans l’occasion présente cette espèce de rencontre. « Nous nous retrouverons, je l’espère, dit le templier, jetant un regard de courroux sur son antagoniste, et dans un lieu où personne ne pourra nous séparer.

— Si le contraire arrive, dit le chevalier déshérité, la faute n’en sera point à moi ; à pied ou à cheval, avec la lance, la hache d’armes ou l’épée, je suis prêt à te répondre. » Des mots plus graves eussent été échangés, si les maréchaux du tournoi n’avaient croisé leurs lances, et obligé les deux champions à s’éloigner.

Le chevalier déshérité retourna à sa première station, et Bois-Guilbert à sa tente, où il passa le reste de la journée dans la fureur du désespoir.

Sans descendre de cheval, le vainqueur revenu à sa première station, demanda une coupe de vin, et levant la visière de son casque : « Je bois, dit-il, aux véritables cœurs anglais, et à la confusion des tyrans étrangers. » Il commanda alors à son trompette de