Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/146

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de-la-Zouche, un des plus fameux tournois de ce siècle ; car, si quatre chevaliers seulement, dont l’un fut tout-à-coup suffoqué par la chaleur de son armure, périrent sur la place, plus de trente furent grièvement blessés, desquels quatre ou cinq ne se rétablirent jamais. Plusieurs moururent à quelques jours de là, et ceux qui échappèrent conservèrent toute leur vie les marques des blessures qu’ils avaient reçues. Aussi ce tournoi est-il toujours mentionné dans les vieilles chroniques sous le nom de belle et noble passe d’armes d’Ashby.

Le moment était venu où le prince devait proclamer le vainqueur ; il décida que l’honneur de la journée restait à celui que la voix publique avait surnommé le Noir-Fainéant. On eut beau lui représenter que la victoire appartenait bien plutôt au chevalier déshérité, qui avait renversé six champions de sa propre main et fini par désarçonner le chef du parti contraire ; le prince ne voulut pas céder : il répondit que le chevalier déshérité et ses compagnons eussent perdu la victoire sans l’aide puissante du chevalier aux armes noires, auquel il persistait à décerner le prix.

À la grande surprise de tous les spectateurs, le chevalier ainsi préféré ne se présentait pas : il avait quitté l’arène immédiatement après la fin du combat et avait pris le chemin de la forêt avec la même lenteur et la même indifférence qui lui avaient valu le surnom de Noir-Fainéant. Après l’avoir vainement appelé deux fois au son des trompettes, après que les hérauts d’armes eurent fait la proclamation d’usage, il fallut bien, en son absence, désigner un autre chevalier pour recevoir les honneurs du triomphe, et le prince ne put refuser la palme au chevalier déshérité, qui fut proclamé vainqueur.

À travers une arène que le sang rendait glissante, couverte d’armes brisées et de chevaux morts ou blessés, les maréchaux du tournoi conduisirent de nouveau le vainqueur au pied du trône du prince Jean. « Chevalier déshérité, lui dit-il, puisque c’est l’unique titre que nous puissions vous donner, nous vous décernons pour la seconde fois les honneurs du tournoi, et déclarons que vous avez droit de réclamer et de recevoir des mains de la reine de la beauté et des amours la couronne que votre valeur vous a méritée. » Le chevalier s’inclina profondément et avec grâce, mais ne répondit rien.

Pendant que les trompettes sonnaient, que les hérauts d’armes criaient de toutes leurs forces : « Honneur aux braves ! Gloire aux