Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/206

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dis, tout en faisant disparaître les traces du festin ; et le chevalier Noir, riant de tout son cœur en remettant son armure à la hâte, lui prêta le secours de sa voix.

« Quelles matines du diable chantez-vous là ? » dit une voix du dehors.

« Que Dieu vous soit en aide, bon voyageur ! » répondit l’ermite que le bruit qu’il faisait, peut-être aussi ses libations nocturnes, empêchait de distinguer des accents qui lui étaient assez familiers. « Au nom de Dieu et de saint Dunstan, passez votre chemin, et ne troublez pas dans nos dévotions mon saint frère et moi.

— Prêtre fou, cria-t-on du dehors, ouvre à Locksley.

— Tout est sauvé, tout va bien ! dit l’ermite au chevalier.

— Mais qui est cet étranger ? il m’importe de le savoir.

— Qui il est ? je te dis que c’est un ami.

— Mais quel est cet ami ? Il peut être le vôtre et non le mien.

— Quel ami ? C’est une de ces questions qu’il est plus aisé de faire qu’il n’est facile d’y répondre. Quel ami ? ah ! ah ! j’y pense, c’est l’honnête garde forestier dont je t’ai parlé tout à l’heure.

— Oui, un honnête garde comme tu es un pieux ermite, je n’en doute pas ; mais, voyons, ouvre-lui la porte, si tu ne veux qu’il l’enfonce. »

Les chiens s’étaient mis d’abord à aboyer ; mais leur instinct leur faisant reconnaître la voix de celui qui frappait, ils s’étaient approchés de la porte, grattant et faisant patte de velours, tout en murmurant comme éprouvant un sentiment d’impatience et de plaisir. L’ermite ouvrit enfin, et Locksley entra suivi de ses deux compagnons.

« Quel est donc ce nouveau commensal que je trouve avec toi ? dit-il à l’ermite.

— Un frère de notre ordre, » répondit le solitaire en secouant la tête ; « nous avons passé la nuit en oraison.

— C’est un membre de l’Église militante, je pense, et l’on en voit assez sur les routes depuis quelque temps. Mais il ne s’agit pas de cela : je viens te dire, mon bon chapelain, qu’il faut quitter le rosaire et t’armer de l’épieu ; nous avons besoin de tous nos hommes, clercs ou laïques. Mais, » ajouta-t-il en le tirant à l’écart, « es-tu fou d’admettre chez toi un chevalier que tu ne connais pas ? As-tu donc oublié nos règlements ?

— Que je ne connais pas ! Je le connais aussi bien que le mendiant connaît son écuelle.