Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/395

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d’un caractère si fougueux et si hautain, semblait tout-à-fait surnaturel.

Le précepteur de Templestowe fut ensuite appelé pour décrire la manière dont Bois-Guilbert et la juive étaient arrivés à la préceptorerie. Sa déposition fut faite avec beaucoup de prudence et d’adresse. Tout en cherchant à ménager le caractère et la susceptibilité de Bois-Guilbert, il entremêla son discours de quelques expressions qui donnaient presque à entendre qu’il était en proie à une aliénation temporaire d’esprit, tant il paraissait épris de la juive qu’il amenait. Malvoisin, avec de profonds soupirs de contrition, témoigna tout le regret qu’il éprouvait d’avoir reçu Rébecca et son amant dans la préceptorerie. « Mais, » dit-il en finissant, « ma défense est dans les aveux que j’ai faits à notre éminentissime père, le grand-maître ; il sait que mes motifs n’étaient point criminels, quoique ma conduite puisse avoir été irrégulière.

— Tu as très bien parlé, frère Albert, dit Beaumanoir ; tes motifs étaient purs, puisque tu pensais qu’il fallait arrêter ton frère dans la carrière d’erreur et de folie où il se précipitait. Cependant ta conduite a été blâmable ; tu as agi avec la même imprudence que celui qui, voulant arrêter un cheval dans sa course fougueuse, saisirait l’étrier, au lieu de le prendre par la bride, et se nuirait ainsi à lui-même sans parvenir à son but. Notre pieux fondateur nous a ordonné de réciter treize Pater noster après matines, et neuf après vêpres, tu en réciteras le double ; il est permis aux templiers de manger de la viande trois fois la semaine, tu t’en abstiendras pendant sept jours. Cette pénitence que je t’impose durera six semaines. »

Affectant la plus profonde soumission, le précepteur s’inclina jusqu’à terre et retourna à sa place.

« Ne serait-il pas à propos, mes frères, dit le grand-maître, que nous prissions quelques informations sur la vie antérieure de cette femme, principalement afin de découvrir si, comme je l’ai entendu dire, elle se livre à la magie et fait usage de talismans, puisque les dépositions des témoins entendus peuvent nous porter à croire que, dans cette malheureuse affaire, notre malheureux frère a agi sous l’influence de quelque enchantement ou de quelque prestige infernal ? »

Herman de Goodalricke était un des quatre précepteurs présents à la séance ; les autres trois étaient Conrad, Malvoisin et Bois-Guilbert lui-même. Herman était un vieux guerrier couvert de cicatri-