Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/12

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lisons, je crois, dans le Spectateur, l’aventure d’un plaisant rustique, qui, en copiant tout le devoir de l’homme, écrivit en face de chaque vice le nom de quelque individu de son voisinage, et changea ainsi un livre excellent en un libelle pour la paroisse entière.

La scène se pliant ainsi à la volonté de l’auteur, les réminiscences de pays devinrent également favorables. En un territoire où les chevaux demeuraient presque toujours sellés et où l’épée quittait rarement le flanc du cavalier, où la guerre était l’état naturel et constant des habitants et où la paix n’existait que sous la forme de trêves courtes et fugitives, là n’existait aucun besoin des moyens de compliquer et d’embrouiller à plaisir les incidents de la narration ; malgré cela il y avait un désavantage à prendre pour sujet ce district frontière, car il avait déjà été exploré par l’auteur lui-même aussi bien que par d’autres écrivains, et à moins de le présenter sous un nouveau jour, il courait le risque de se voir appliquer le proverbe du chou cuit deux fois : crambe biscocta.

Pour acquérir la qualité indispensable de la nouveauté, on pensa qu’il fallait placer en contraste le caractère des vassaux de l’église avec celui des vassaux des barons qui les entouraient. Mais on ne pouvait pas en tirer un grand avantage ; il existait des différences entre les deux classes en effet ; mais, de même que dans le monde végétal et minéral les tribus paraissent identiques aux yeux du vulgaire et ne peuvent être suffisamment discernées que par des naturalistes ; de même, il y avait sur le tout une trop grande similitude pour que le contraste fût assez marqué.

Il restait l’introduction des êtres merveilleux et surnaturels, ressources des pauvres auteurs depuis le temps d’Horace, mais dont les privilèges sacrés, après avoir été des sujets de dispute dans le siècle présent, ont fini par être assez désapprouvés. La croyance populaire n’accorde plus la possibilité d’exister à cette race d’êtres mystérieux qui voltigeaient entre ce monde et le monde invisible. Les fées ont abandonné la pelouse qu’elles visitaient au clair de la lune ; la sorcière n’a plus de ténébreuses orgies, dans le vallon de la Ciguë.

Et les fantômes vains nés de frêles cerveaux,
Du cimetière ont dû respeter le repos.

D’après le discrédit attaché aux formes vulgaires et plus communes sous lesquelles la superstition écossaise se déploie, l’auteur