Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/140

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En ce moment la route parut entièrement libre, car la mule se recueiliit et changea son attitude d’épouvante en une autre qui promettait un retour d’activité, bien qu’une transpiration abondante et un tremblement de tous ses membres fussent une preuve évidente de la terreur dont elle avait été saisie.

« J’avais toujours révoqué en doute l’existence des cabalistes et des rose-croix, pensa le sous-prieur ; mais par le saint ordre dont je suis membre, je ne sais plus qu’en dire. Mon pouls n’est point agité ; ma main est fraîche ; je suis à jeun de tout, sauf peut-être de péché, et je suis en possession de mes facultés ordinaires. Il faut donc, ou qu’il ait été permis à quelque démon de m’obséder, ou que les histoires racontées par Cornelius Agrippa, Paracelse, et autres qui ont traité des sciences occultes, ne soient pas dénuées de tout fondement. Au détour du vallon ? J’aurais bien voulu éviter une seconde rencontre ; mais je suis au service de l’Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre moi. »

Il continua sa marche, mais avec précaution et non sans crainte, car il ne savait ni comment, ni où son voyage devait être de nouveau interrompu par l’être invisible qui semblait suivre ses pas. Il continua de descendre le glen sans éprouver d’interruption pendant à peu près un mille : soudain, à l’endroit précis où le fleuve, arrivé au pied d’une montagne escarpée, se détourne brusquement de manière à laisser à peine de la place pour un cheval, la mule fut encore une fois assaillie par les symptômes de terreur qui avaient interrompu sa course. Connaissant mieux, maintenant la cause de sa résistance, le moine ne fit aucune tentative pour la faire avancer ; mais, s’adressant directement à l’être invisible qu’il supposait être de nouveau à ses côtés, il prononça la formule solennelle d’exorcisme, telle qu’elle est prescrite par l’Église de Rome, en pareille circonstance. À cette conjuration la voix répondit :

L’homme juste est plein d’imprudence :
Le méchant poursuit en silence
L’œuvre de vengeance et de mort.
Crois-moi : gagne un obscur asile ;
Ne parle point, reste immobile,
Fais-toi petit devant le sort.

Pendant que le sous-prieur écoutait, la tête tournée du côté où le chant se faisait entendre, il sentit comme quelque chose qui se précipitait sur lui, et avant qu’il pût en découvrir la cause, il