Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/142

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sous-prieur vous gagne le cœur mieux que tous les autres gens encapuchonnés, qui ne savent que boire et manger. Femme, écoute donc ; femme, nous donnerons un verre d’eau distillée et une croûte de pain au premier pèlerin qui se présentera pour passer ; on pourrait garder pour cela le fond de la dernière cruche et le pain mal cuit que les enfants n’ont pu manger. »

Pendant que Pierre donnait ces charitables et prudentes instructions, le sous-prieur, qui, par son heureuse médiation, avait disposé le gardien du pont à faire un acte de générosité aussi extraordinaire, continuait sa route vers le monastère. Pendant sa marche, il combattait les rebellions de son propre cœur, ennemi qu’il trouvait plus formidable que tous ceux que la puissance extérieure de Satan pouvait lui susciter.

Le père Eustache était fortement tenté de taire son aventure merveilleuse ; il lui répugnait d’autant plus de l’avouer qu’il avait porté un jugement sévère sur le père Philippe, et il était maintenant très-disposé à croire que celui-ci, à son retour de Glendearg, avait rencontré des obstacles peu différents de ceux qui l’avaient arrêté lui-même. Il fut encore bien plus convaincu de cette identité lorsque, cherchant dans son sein le livre confisqué à la tour de Glendearg, il s’aperçut qu’il ne l’avait plus, circonstance uniquement explicable au moyen de cette supposition, qu’il lui avait été enlevé pendant son évanouissement.

« Si j’avoue cette étrange aventure, pensait le sous-prieur, je deviens un objet de risée pour tous mes frères… moi, que le primat a envoyé ici pour les surveiller en quelque sorte, et pour réprimer leurs vaines folies ! Je vais donner sur moi à l’abbé un avantage que je ne regagnerai jamais. Le ciel connaît seul combien cet homme, dans son indiscrète simplicité, peut abuser d’un pareil avantage, au déshonneur et au détriment de la sainte Église. Mais, d’un autre côté, si je ne fais point une confession sincère de ce qui tourne à ma honte, de quel front oserai-je adresser des admonitions ou des réprimandes aux autres ? Avoue, cœur orgueilleux, ajouta-t-il que le bien de la sainte Église t’intéresse moins dans cette affaire que ta propre humiliation. Oui, le ciel t’a puni par l’endroit le plus sensible et que tu croyais le moins vulnérable, par ton orgueil spirituel et ta sagesse mondaine. Tu as tourné en ridicule et en dérision l’inexpérience de tes frères ; soumets-toi à ton tour à leurs moqueries. Dis-leur ce qu’ils ne voudront point croire ; affirme ce qu’ils attribueront à une vaine frayeur, ou peut-