Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/173

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pourvue, mais aussi à cause de l’arrivée d’une personne qui n’était rien moins que Hob Miller, on l’appelait généralement ainsi, quoique son véritable nom fût Happer[1].

La visite du meunier à la tour de Glendearg était assez semblable à celles que les potentats se font faire l’un à l’autre par leurs ambassadeurs, et dont la cause est moitié ostensible, moitié secrète. En apparence, Hob venait visiter ses amis de Sainte-Marie, pour partager la joie générale qui règne parmi les habitants de la campagne, après qu’ils ont rempli leurs granges, et renouveler une ancienne amitié par de nouveaux festins. Mais il venait véritablement pour jeter un coup d’œil sur chaque meule, et pour prendre des renseignements sur la quantité de gerbes récoltées dans chaque ferme, afin de prévenir tous les moyens de soustraire la mouture.

On sait que les cultivateurs de chaque baronnie ou seigneurie temporelle ou spirituelle de l’Écosse sont obligés de porter leur grains pour être moulus au moulin de leur territoire ; ils paient à cette occasion d’assez fortes taxes nommées moutures de la ville[2]. Je pourrais m’étendre aussi sur l’esclavage de invecta et illata[3] ; mais laissons cela. J’en ai dit assez pour prouver que je ne parle pas sans m’appuyer de preuves authentiques. Les habitants du sucken, ou des terres dépendantes, étaient punis par une amende s’ils s’écartaient de cette servitude en portant leurs grains à un autre moulin. Or, il existait un autre moulin bâti sur les terres d’un baron séculier, à une distance peu éloignée de Glendearg, et le meunier de ce second endroit était si obligeant et ses prix si modérés, qu’il fallait toute la surveillance de Hob Miller pour retenir son droit de monopole.

Le meilleur moyen qu’il avait trouvé était de se montrer bon camarade et voisin affectueux. Sous ce prétexte, il faisait tous les ans une visite à travers la baronnie, comptait chaque meule de blé et en calculait le contenu par les gerbes, si bien qu’il pouvait ensuite savoir si toute la moulure venait à son moulin.

La dame Elspeth, comme ses voisins, fut obligée de prendre les visites du meunier pour des visites de politesse ; mais elle n’en avait pas reçu depuis la mort de son mari, probablement parce que la tour de Glendearg était éloignée, et qu’il n’y avait qu’une

  1. Happer veut dire trémie d’un moulin ; et miller, meunier. a. m.
  2. In town multures, dit le texte. a. m.
  3. de ce que l’on fait passer et de ce que l’on apporte. a. m.