Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/177

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d’affection de son ancien ami, qui avait pu un seul instant douter du plaisir qu’elle avait à le recevoir ainsi que sa charmante fille. Penser à aller chez John Broxmouth quand la vieille tour était prête à le recevoir ; il y avait chez elle, dans les plus mauvais temps, place pour un ou deux amis, et il n’y en aurait pas pour un voisin que son pauvre Simon, béni soit son sort ! comptait pour un de ses meilleurs amis à Sainte-Marie ! Elle manœuvra si bien, faisant ses plaintes avec tant de sérieux, qu’elle finit par être convaincue elle-même de ce qu’elle disait aussi bien que le meunier Hob, qui n’avait pas envie de lui garder rancune, parce qu’il était dans son plan de passer la nuit à Glendearg, et qu’il se serait également contenté d’une réception moins hospitalière.

À toutes les plaintes d’Elspeth, touchant le peu d’amitié qu’il y avait dans sa proposition de quitter la demeure, il répondait tranquillement : « Eh bien ! madame, qu’avais-je à dire ? Vous pouviez avoir d’autres grains à moudre, car vous sembliez à peine nous voir ; ou que sais-je, moi ? vous pouviez penser à ce que j’ai dit à Martin relativement au dernier orge que vous avez semé, car je sais que les moutures sèches sont quelquefois bien difficiles à digérer[1]. Chacun veut avoir ce qui lui appartient, et cependant les gens s’en vont dire partout que Hob Miller est à la fois le meunier et le garçon du meunier, comme qui dirait meunier et fripon[2]. »

— Hélas ! que dites-vous là, voisin Hob, reprit la dame Elspeth : Martin aurait eu quelques mots avec vous touchant les taxes du moulin ? Je le gronderai pour cela, je vous le promets, foi de veuve. Vous savez bien qu’une femme seule est souvent l’esclave de ses domestiques.

— Non, madame, » dit le meunier, défaisant la boucle de la large ceinture qui attachait son manteau, et qui servait en même temps à suspendre à son côté une véritable André Ferrara, « n’ayez point de rancune Contre Martin, car je n’en ai pas : je prends cela sur moi comme une chose appartenant à ma profession ; je dois maintenir mon droit de mouture de lock ; et de goupen[3], et pour une bonne raison, car, comme dit la vieille chanson,

  1. Les moutures sèches, observe l’auteur, sont une amende ou une indemnité exigée en argent de ceux qui ne faisaient pas moudre leur grain au moulin banal. C’était et c’est encore une exaction bien vexatoire. a. m.
  2. Il y a ici un jeu de mots, car knave est le nom du garçon meunier dans les banalités, et en même temps ce mot veut dire fripon dans son acception ordinaire. a. m.
  3. La mouture consistait en exactions régulières pour moudre le grain. Le lock veut dire une poignée, et le groupen la quantité que peuvent contenir les deux mains réunies. Ces droits additionnels étaient par le meunier exigés des suckeners ou gens soumis au moulin banal. Ces sortes de petites taxes étaient connues généralement sous le nom de sequels (séquelles). a. m.