Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/179

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neuf ans, cependant il était temps de l’établir, car la dame en revenait toujours là, et c’était une excellente occasion.

La vieille ruse de la dame Elspeth fut alors de louer sa belle visiteuse depuis le snood jusqu’au cordon de la chaussure, comme on dit. Mysie l’écouta, et rougit de plaisir pendant les cinq premières minutes ; mais lorsque dix furent passées, elle se mit à regarder les compliments de la vieille dame comme un sujet de plaisanterie plutôt que de vanité, et elle était plus disposée à en rire qu’à en être flattée, car la nature avait mêlé à sa gaieté une assez bonne portion de malice. Hob lui-même commença à se lasser d’entendre les louanges prodiguées à sa fille, et les interrompit. « Bon, bon, dit-il, elle est assez intelligente ; et si elle avait cinq ans de plus, elle pourrait charger un bon sac de farine sur un cheval, aussi bien que toute autre fille de canton. Mais je désirerais voir vos deux fils, madame : on prétend qu’Halbert devient un peu trop égrillard et que nous en entendrons parler dans le Westmoreland une nuit de clair de lune ou autre.

— Dieu l’en garde, mon voisin, Dieu l’en garde ! » dit la dame Glendinning avec vivacité ; car c’était toucher sa corde sensible que d’émettre la pensée qu’Halbert pourrait devenir un de ces maraudeurs si communs alors dans ce pays. Mais craignant d’avoir trahi ses craintes à ce sujet, elle ajouta aussitôt que, depuis la déroute de Penkie, elle devenait toute tremblante quand elle entendait nommer un fusil ou une lance, ou lorsqu’on parlait de combat. Grâce à Dieu et à Notre-Dame, ses fils vivraient et mourraient honnêtes et paisibles tenanciers de l’abbaye de Sainte-Marie, ainsi que leur père l’aurait fait, sans cette affreuse guerre qui avait causé la mort de tant de braves gens.

« Vous n’avez pas besoin de me rappeler cela, madame, dit le meunier, puisque j’y étais moi-même : je rendis deux paires de jambes (non les miennes, mais celles de ma jument) aussi utiles qu’une paire de mains. Je jugeai ce que cela deviendrait lorsque je vis nos ennemis rompre les rangs et s’élancer à travers les champs labourés ; et ainsi, comme on avait fait de moi un piqueur, je piquai des deux tandis que le jeu était en si bon train.

— Oui, oui, voisin, répondit la dame, vous avez toujours été sage et prudent ; si mon mari défunt avait eu votre esprit, il serait ici aujourd’hui à parler de cela : mais il était toujours à se vanter de son noble sang et de son illustre lignée, et il ne pouvait être content qu’en allant commander des troupes à l’armée avec des