Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/192

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de gentille invention, si excellemment agréable à lire, manuel si inévitablement nécessaire pour connaître tout ce qui est digne d’être su ; qui instruit, du rude en civilité, du stupide dans l’intellectuel, du triste en gaieté, du pesant en agrément, du vulgaire en noblesse, et de tout ce qui existe dans cette inénarrable perfection de l’humaine élocution, dans cette éloquence que nulle autre éloquence n’est capable de louer ; cet art auquel nous accordons le plus grand des panégyriques lorsque nous le nommons par son nom propre, euphuisme.

— Par sainte Marie ! dit Christie Clint-Hill, si Votre Grandeur m’avait dit que vous aviez laissé un tel trésor au château de Prudhoc, Long Dickie et moi l’aurions emporté avec nous, si homme et cheval pouvaient l’emporter, s’entend ; mais vous ne nous avez parlé d’aucun trésor, si ce n’est de vos pincettes d’argent pour relever vos moustaches. »

Le chevalier jeta un regard de surprise et de mépris à cette fâcheuse interruption ; car certainement Christie ne pensait pas que toutes ces épithètes, qui retentissaient d’une manière si brillante et si splendide, fussent prodiguées à un petit volume in-4o. Puis se retournant du côté de Marie Avenel qu’il jugeait être la seule personne à laquelle il pouvait s’adresser, il continua dans son élocution fleurie : « De même, dit-il, que les pourceaux dédaignent l’éclat des perles orientales ; de même que les mets les plus délicats d’un repas exquis sont vainement présentés à l’animal aux longues oreilles, qui, s’en éloignant, préfère et dévore le chardon, il ne sert à rien d’offrir les trésors oratoires aux oreilles de l’ignorant, et d’étaler les friandises d’un banquet intellectuel devant ceux qui, moralement et métaphysiquement parlant, ne sont pas plus que des ânes.

— Sir chevalier, puisque c’est votre qualité, dit Édouard, nous ne pouvons lutter avec vous pour la douceur du langage ; mais je vous prie, tant que vous honorerez la maison de mon père de votre présence, de nous faire grâce d’une comparaison aussi vulgaire.

— Silence, bon villageois, » dit le chevalier faisant un signe gracieux de la main ; « silence, je te prie, bon rustique ! Et vous, mon guide, à qui je puis à peine donner le titre de civil, qu’il me soit permis d’obtenir de vous que vous imitiez la louable taciturnité de cet honnête métayer, qui se tient sur sa chaise muet comme un pilier de moulin, et de cette joyeuse fille qui semble