Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/245

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De toutes les femmes rassemblées à Glendearg, la fille du meunier seule avait l’esprit assez libre pour jeter parfois un regard d’admiration sur les élégantes attitudes de sir Piercy Shafton ; car Marie Avenel et la dame Glendinning attendaient avec appréhension ce qu’Halbert allait répondre à la proposition de l’abbé, et redoutaient d’avance les conséquences d’un refus. La conduite de son frère Édouard, qui était naturellement froid, respectueux et timide, fut en même temps noble et affectueuse. Le jeune fils de dame Elspeth s’était retiré dans un coin, après que l’abbé, à la prière du sous-prieur, l’eut honoré de quelque peu d’attention en le questionnant sur ses progrès dans le Donatus et dans le Promptuarium parvulorum sans daigner attendre sa réponse. De son coin il se glissa alors près de son frère, et se mettant derrière lui, il coula sa main droite dans la main gauche du chasseur, et, par une légère pression, qu’Halbert lui rendit aussitôt, exprima tout à la fois l’intérêt que sa situation lui inspirait, et la résolution où il était de partager son sort en cas de disgrâce.

Le groupe était ainsi placé, lorsqu’après un silence de deux ou trois minutes, qu’il employa à savourer lentement une coupe de vin afin de pouvoir faire son offre avec la dignité convenable, l’abbé commença en ces termes :

« Mon fils, nous, votre supérieur légitime, et, par la grâce de Dieu, abbé de la communauté de Sainte-Marie, avons été instruit de tous vos utiles talents, spécialement de votre habileté pour la chasse, et de votre savoir parfait pour frapper le gibier en vrai chasseur, et comme un garde doit le faire, sans abuser de ce précieux don du ciel en abîmant les chairs, ainsi que trop souvent il arrive à des serviteurs insouciants… »

En cet endroit il s’arrêta ; mais voyant que Glendinning ne répliquait à son compliment que par un salut, il poursuivit : « Mon fils, nous louons votre modestie ; néanmoins nous voulons que vous vous expliquiez librement touchant ce que nous avons prémédité pour votre avancement : c’est de vous conférer la charge de garde de nos chasses et forêts tant pour les terres qui nous appartiennent par droit exclusif et perpétuel de propriété, que pour les privilèges à nous concédés sur d’autres domaines par des rois pieux et charitables, dont les âmes jouissent maintenant de tout le bien qu’ils ont fait à l’Église. Agenouille-toi, mon fils, que nous puissions, de notre propre main et sans perdre de temps, te revêtir de cette charge.