Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/279

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— Au nom du ciel !… au nom de Notre-Dame ! s’écria Halbert…

— Ne jure point ! » dit l’étranger l’interrompant, » ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par la terre, parce qu’elle est son marchepied, ni par les êtres qu’il a créés, parce qu’ils sont faits de poussière et d’argile ainsi que nous. Que ton oui soit oui, et que ton non soit non : dis-moi, en un mot, pourquoi et à quel dessein tu as forgé une telle histoire, afin d’écarter de sa route un voyageur fatigué.

— Comme je suis chrétien, dit Glendinning, je l’ai laissé ici blessé à mort, et maintenant je ne sais où il est, et je pense que la tombe que tu vois renferme ses dépouilles mortelles !

— Et qui est celui au sort duquel tu portes tant d’intérêt ? dit l’étranger ; comment se fait-il que cet homme blessé ait été enlevé et enterré dans ce lieu solitaire ?

— Son nom, » dit Halbert après un moment de silence, « est sir Piercy Shafton. Ici, en ce même lieu, je l’ai laissé baigné dans son sang ; et je ne sais pas plus que toi quelle puissance l’en a fait disparaître.

— Piercy Shafton ! s’écria l’étranger, sir Piercy Shafton de Wilverton, qu’on dit être parent du grand Piercy de Northumberland ? Si tu l’as tué et que tu retournes dans les dépendances de l’orgueilleux abbé, il livrera ton cou à la corde. Il est bien connu, ce Piercy Shafton, c’est le vil instrument dont se sont servis des hommes plus habiles ; c’était un cerveau brûlé, un champion du pape, employé comme un enfant perdu par des têtes d’une plus profonde politique, et dont la volonté était plus propre à nuire que sa valeur n’était bonne à combattre le danger. Viens avec moi, jeune homme, et évite les fâcheuses conséquences que cette action attirera sur toi. Guide-moi vers le château d’Avenel, et tu trouveras pour récompense protection et sûreté. »

Halbert s’arrêta de nouveau et recueillit à la hâte ses esprits. Il semblait que la vengeance avec laquelle l’abbé devait poursuivre le meurtrier de Shafton, son ami et en quelque sorte son hôte, devait être cruelle ; et cependant, parmi le grand nombre d’observations qu’il avait faites avant leur duel, il avait oublié de réfléchir à la conduite qu’il avait à tenir en cas que sir Piercy Shafton tombât sous ses coups. S’il retournait à Glendearg, il était persuadé que, sur toute sa famille et même sur Marie Avenel, il attirerait le ressentiment de l’abbé et de la communauté ; au lieu que s’il fuyait, il se pouvait qu’il fût seul regardé comme