Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/28

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les nefs et les arches, les architraves gothiques et saxonnes, les arceaux et les arcs-boutants. Il n’était pas rare qu’une connaissance commencée à l’abbaye se terminât à la taverne, ce qui faisait diversion à la monotonie de l’éternelle épaule de mouton de mon hôte, soit chaude, soit froide, soit en hachis.

Peu à peu la sphère de mes connaissances s’agrandit ; je trouvai quelques livres qui me donnèrent des notions sur l’architecture gothique, et je lus alors avec plaisir, parce que je prenais intérêt à ce que je lisais. Mon esprit même prit un nouvel essor. Mes discours au club acquirent une sorte d’autorité ; on m’écouta avec plus de déférence, parce que, sur un sujet au moins, je possédais plus d’instruction que pas un de ses membres. Au fait, je trouvai que même mes anecdotes sur l’Égypte, qui, à vrai dire, étaient bien rebattues, captivaient maintenant l’attention plus qu’elles ne l’avaient fait auparavant. Après tout, disait-on, le capitaine n’est pas un ignorant, il est peu de personnes qui en sachent autant que lui sur l’abbaye.

Cette approbation presque unanime ajouta au sentiment de ma propre importance, et eut une grande influence sur mon bien-être en général. Je mangeais avec plus d’appétit ; je digérais plus facilement ; je me couchais le soir avec plaisir, je dormais profondément jusqu’au lendemain, et me levant d’un air sérieusement affairé, j’allais examiner, mesurer, comparer les diverses parties de cet intéressant édifice. Je perdis toute idée, tout sentiment d’un certain malaise désagréable, mais qui n’avait pas de nom, que j’avais éprouvé dans la tête et dans l’estomac, et dont, faute d’occupation, j’avais pris l’habitude de m’inquiéter plus à l’avantage de l’apothicaire du village qu’au mien personnel. J’en avais trouvé une sans m’en douter, et j’étais heureux. En un mot, j’étais devenu l’antiquaire du lieu, et je n’étais pas indigne de ce titre.

Un soir, pendant que je parcourais cette carrière d’oisiveté affairée, car c’est tout au plus le nom que je peux lui donner, me trouvant dans le petit salon attenant au cabinet que mon hôte appelle ma chambre à coucher, je me disposais à battre de bonne heure en retraite vers les régions de Morphée. Le Monasticon de Dugdale[1], que j’avais emprunté à la bibliothèque de A…, était étalé sur ma table, flanqué d’un côté par un morceau d’excellent

  1. Livre d’architecture. a. m.