Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/282

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cela le rend encore plus affreux ; mais pour tout ceci il y a un baume dans Galaad.

— Je ne vous entends pas, mon père, » dit Halbert, frappé du ton solennel que prenait son compagnon.

Le vieillard poursuivit : « Tu as tué ton ennemi, c’est une action horrible. Tu l’as tué peut-être plein de péchés, c’est un crime épouvantable. Agis cependant par mes conseils, et, si tu l’as envoyé dans le noir empire du démon, fais tes efforts pour empêcher qu’un autre sujet encore n’aille peupler ce royaume.

— Je vous comprends, mon père, dit Halbert ; vous voudriez que j’expiasse ma cruauté en rachetant moi-même l’âme de ma victime ; mais comment cela se pourrait-il ? Je n’ai point d’argent pour faire dire des messes : j’irais avec bien de la joie nu-pieds à la Terre-Sainte pour délivrer son esprit du purgatoire ; seulement…

— Mon fils, » dit le vieillard en l’interrompant, « le pécheur pour la rédemption duquel je te supplie de travailler n’est pas le mort, mais le vivant. C’est pour ton âme que je te conjure de prier, et non pour celle de ton ennemi, qui a déjà reçu sa condamnation d’un juge aussi miséricordieux que juste ; et si tu transformais en ducats ce rocher, et que chacun de ces ducats servît à acheter une messe, cela ne servirait de rien à cette âme qui a abandonné son corps : l’arbre doit mourir où il est tombé ; mais le rejeton qui porte en lui la vigueur et le suc de la vie, peut recevoir l’inclinaison qu’on se propose de lui faire prendre.

— Es-tu prêtre ? mon père, dit le jeune homme, ou qui t’a donné le droit de parler de si hautes matières ?

— Le maître de toutes choses, répondit le voyageur, qui m’a enrôlé sous sa bannière. »

Le savoir d’Halbert sur les matières religieuses n’avait pas plus d’extension que celle que lui avaient donnée le catéchisme de l’archevêque de Saint-André et la brochure ayant pour titre : la Foi de deux sous, qui, tous les deux, par l’adresse des moines de Sainte-Marie, étaient en circulation et fortement recommandés ; cependant, quoiqu’il fût un théologien très-ordinaire et très-superficiel, il commença à soupçonner qu’il était dans la compagnie d’un de ces évangéliseurs hérétiques, qui cherchaient alors à ébranler les fondements de l’ancienne religion de ses pères. Élevé, ainsi qu’on peut le présumer, dans une sainte horreur de ces formidables sectaires, les premiers sentiments du jeune homme furent ceux d’un loyal et fidèle disciple de l’Église. « Vieillard, dit-