Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/304

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celui qui peut briser de semblables nœuds, et abandonner une femme malheureuse, qui, peut-être, l’a rendu père, est au-dessous des oiseaux de proie ; car le couple reste uni chez ces animaux, jusqu’à ce que leurs petits aient vu croître leurs ailes. Mais surtout cette coutume est contraire au christianisme, qui a donné la femme à l’homme pour être la compagne de ses travaux, son amie dans ses afflictions, son soutien dans les périls, et l’adoucissement de tous ses maux sur la terre, et non pour être le jouet de ses heures d’oisiveté, ou une fleur qu’il arrache, et qu’il peut rejeter loin de lui, selon son bon plaisir.

— Oh ! de par tous les saints, dit le baron, ne voilà-t-il pas une homélie bien éloquente, bien conçue, et prononcée devant un auditoire bien choisi ! Écoutez, sir évangéliseur ! pensez-vous avoir affaire à un fou ? ne sais-je pas que votre secte ne doit son accroissement qu’à l’obstiné[1] Henri Tudor, auquel vous avez prêté aide quand il voulut changer sa Catherine ; et je ne pourrais pas avec la mienne user de la même liberté chrétienne ? Allons, allons, bon homme, bénis le repas, et ne te mêle point des affaires des autres : tu n’as pas trouvé ta dupe dans Julien Avenel.

— Il s’est dupé et trompé lui-même, dit le prédicateur. Quand même il aurait la volonté de rendre aujourd’hui à son infortunée compagne la justice imparfaite qui est en son pouvoir, lui serait-il possible maintenant d’élever l’objet de sa passion au rang des femmes pures et sans tache ? Peut-il ôter à son enfant la marque indélébile que lui imprime la faute de la mère ? Il peut, à la vérité, donner à tous les deux le titre et les droits de femme et de fils légitimes, mais dans l’opinion publique leurs noms seront entachés d’une souillure que ne pourront faire disparaître entièrement ses tardifs efforts. Rendez-leur cependant, baron d’Avenel, cette dernière justice. Commandez-moi de vous unir à jamais ; dites-moi que vous voulez célébrer le jour de votre alliance, non par des fêtes et des banquets, mais par de justes repentirs sur vos fautes passées, mais par la ferme résolution de commencer une vie nouvelle et meilleure. Bénie soit alors la cause qui m’a amené dans votre château, bien que ce soit le malheur, puisque je ne sais pas plus où s’arrêtera ma course, que la feuille roulée par le vent du nord. »

La figure simple et même commune du zélé prédicateur s’était

  1. Allusion aux démêlés de Henri VIII avec l’Église de Rome, à l’occasion de son divorce avec Catherine d’Aragon. a. m.