Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/305

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ennoblie par le feu de son enthousiasme, et avait pris un tel air de dignité, que le fier baron, tout habitué qu’il était à ne connaître aucun frein, à mépriser et à tourner en ridicule la religion ainsi que la morale, sentit, pour la première fois peut-être de sa vie, qu’il était sous l’empire d’un esprit supérieur au sien. Il resta silencieux ; son âme semblait un moment suspendue entre la colère et la honte, et il était immobile, comme accablé par le poids des reproches sévères dont une bouche hardie venait de le foudroyer.

L’infortunée jeune dame, concevant quelque espérance du silence et de l’apparente indécision de son tyran, oublia un instant ses craintes et sa confusion, et conçut l’espoir qu’Avenel se laisserait fléchir. Attachant sur lui des regards inquiets et suppliants, elle s’avança pas à pas et graduellement vers le siège où il était assis, et quand enfin elle fut auprès, posant sa main tremblante sur le manteau du baron, elle se hasarda à lui adresser ces paroles : « Ô noble Julien, écoutez cet excellent homme. »

Le moment d’une telle interpellation était mal choisi, et ces mots produisirent sur cet esprit fier et indomptable l’effet opposé à ce qu’elle en désirait.

Julien Avenel se leva en fureur, en s’écriant : « Quoi ! folle et bavarde que tu es, t’entends-tu avec ce vagabond ; que tu vois me braver dans mon propre château ? Allons, retire-toi, et promptement, et sache que je suis à l’épreuve de la ruse aussi bien mâle que femelle. »

La pauvre Catherine tressaillit et recula en arrière, altérée par cette voix de tonnerre ; éblouie par ces yeux de démon, elle devint pâle comme la mort, et trouvant à peine la force d’obéir aux ordres de son tyran, elle fit en chancelant, quelques pas vers la porte. Ses jambes trompèrent sa bonne volonté, et elle fit sur les dalles une chute qui, dans l’état où elle se trouvait, pouvait lui devenir fatale. Le sang lui jaillit de la figure.

Halbert Glendinning s’indigna soudain à la vue d’une action aussi brutale ; poussant un cri d’imprécation, il s’élança de son siège, la main sur son épée, dans la ferme intention de la passer au travers du corps de cet impitoyable scélérat. Mais Christie de Clint-Hill qui le guettait le prit à bras le corps et empêcha l’exécution de son dessein.

Cet acte si dangereux de violence fut réprimé en un instant, il ne fut point aperçu d’Avenel lui-même, qui fâché de son emportement, relevait entre ses bras sa Catherine évanouie, et s’ef-