Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/326

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terai foi. Voici une querelle dont vous cachez la cause ; une blessure reçue le matin, dont il ne reste aucune trace récente le soir ; une fosse comblée, dans laquelle on n’a pas déposé de corps ; le vaincu vivant et bien portant, et le vainqueur parti on ne sait où. Les faits, sir chevalier, ne sont pas assez liés pour que je puisse les regarder comme paroles d’évangile.

— Révérend père, reprit sir Piercy Shafton, il faut d’abord que je vous prie de ne pas perdre de vue que, si je vous donne une explication plausible et recevable d’un fait dont je vous ai assuré la véracité, je ne le fais que par respect pour votre ordre et votre habit, et je vous proteste qu’envers tout autre qu’un ecclésiastique, une dame, ou mon prince, je ne daignerais pas expliquer ce que j’ai une fois attesté, sans en offrir la preuve à la pointe de mon épée. Après cet avis, il reste à ajouter que j’engage ici mon honneur de gentilhomme et ma foi de chrétien catholique romain : ce que j’ai rapporté est arrivé ainsi et non pas autrement.

— Voilà une assertion bien prononcée, sir chevalier, reprit le sous-prieur ; mais songez que ce n’est qu’une assertion, et qu’il n’y a pas de loi ni d’usage qui nous oblige à croire des choses si opposées à la raison. Je vous prierai maintenant de me dire si la fosse qu’on a vue au lieu de votre rendez-vous était ouverte ou fermée quand vous commençâtes le combat.

— Révérend père, dit le chevalier, je ne vous cacherai rien, je vous dévoilerai tous les secrets de mon âme, ainsi que la source pure révèle le moindre sable qui couvre le fond de son miroir de cristal, et ainsi…

— Expliquez-vous clairement, pour l’amour du ciel, dit le moine ; ces phrases fleuries n’appartiennent pas à des affaires aussi importantes. La fosse était-elle ouverte quand le combat commença ?

— Elle l’était, reprit le chevalier, je l’avoue aussi franchement que celui…

— Je vous en prie, beau chevalier, cessez vos similitudes et écoutez-moi. Hier soir on n’a vu aucune trace d’une fosse dans cet endroit, car le vieux Martin s’est trouvé par hasard obligé de passer par là pour chercher un mouton égaré. D’après votre aveu, à la pointe du jour on avait creusé une fosse et vous vous étiez battu. On ne voit reparaître qu’un des combattants, il est ensanglanté et ne paraît pas avoir reçu de blessure. » Ici le chevalier fit un geste d’impatience.