Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/327

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« Mon fils, écoutez-moi encore un moment. La fosse est comblée et recouverte de gazon : que devons-nous croire, sinon qu’elle contient le corps du combattant qui a disparu ?

— De par le ciel ! c’est impossible, à moins que le jeune homme ne se soit tué et enterré lui-même, afin de me faire accuser comme assassin.

— On visitera la fosse demain à la pointe du jour, et je veux assister moi-même à cette opération.

— Je proteste d’avance contre ce témoignage, et j’insiste pour que le contenu du tombeau, quel qu’il soit, ne porte aucun préjudice à ma défense ; car j’ai été si tourmenté par des déceptions diaboliques dans cette affaire, que je ne serais point étonné que le diable prît la forme de ce jeune rustre pour me causer de nouvelles vexations. Je vous proteste, digne père, que je suis persuadé qu’il y a de la sorcellerie dans tout ce qui m’est arrivé. Depuis que je suis entré dans ces terres du Nord, qui à la vérité abondent, dit-on, en choses surnaturelles, moi, qui étais craint et respecté par la fleur des galants de la cour de Félicia, j’ai été bravé et insulté par un lourdeau de paysan. Moi, que Vincentio Saviola considérait comme le plus leste et le plus agile de ses disciples, j’ai été, en propres termes, vaincu par un vacher qui ne connaît pas plus d’escrime qu’il n’en faut pour se battre dans une fête de village. Il me semble que je reçois un violent coup d’épée au travers du corps, et je m’évanouis sur le lieu ; et en recouvrant ma connaissance je me trouve sans blessure, et il ne manque rien à mes vêtements que mon pourpoint brun doublé de satin, que, par parenthèse, je vous prierai de faire chercher, attendu que le diable qui m’a transporté pourrait bien l’avoir laissé choir dans son passage sur quelque arbre ou quelque buisson ; et c’est un vêtement du meilleur choix que j’ai mis pour la première fois à la parade de la reine, dans Southwark[1].

— Sir chevalier, vous vous éloignez encore du sujet. Je vous interroge sur ce qui concerne la vie d’un de vos semblables et peut-être la vôtre aussi, et vous me répondez par l’histoire d’un vieux pourpoint.

— Vieux ! s’écria le chevalier ; de par tous les dieux et tous les saints, s’il y a un galant à la cour d’Angleterre dont le soin soit plus fantasque, et la fantaisie plus soigneuse, qui ait une délicatesse

  1. Quartier de Londres sur la rive droite de la Tamise. a. m.