— Pardonnez-moi, dit le sous-prieur, la voix de l’abbé est toute puissante dans cette affaire. »
Le rouge commençait à monter au visage de sir Piercy Shafton. « Je suis étonné, s’écria-t-il, d’entendre Votre Révérence parler ainsi : quoi ! pour la mort supposée de cet obscur et grossier chicaneur, oseriez-vous attenter à la liberté d’un membre de la famille Piercy ?
— Sir chevalier, » reprit le sous-prieur avec politesse, « votre haut lignage et votre colère ne vous serviront à rien dans une pareille aventure ; il ne sera pas dit que vous serez venu chercher un asile parmi nous pour répandre ensuite notre sang comme si c’était de l’eau.
— Je vous dis, comme je l’ai dit déjà plus d’une fois, qu’il n’y a pas eu de sang répandu sauf le mien.
— C’est ce qu’il faudra prouver ; nous qui faisons partie de la communauté de Sainte-Marie de Kennaquhair, nous n’avons pas pour habitude de recevoir des contes de fées en échange de la vie de nos vassaux.
— Nous qui faisons partie de la maison de Piercy, répondit Shafton, nous ne connaissons ni menace ni contrainte. Je vous dis que je pars demain, arrive que pourra.
— Et moi, » reprit le sous-prieur, du même ton déterminé, « je vous dis que je ferai manquer votre voyage, arrive que voudra.
— Qui osera s’opposer à mon passage, dit le chevalier, si je m’en ouvre un de vive force ?
— Vous ferez sagement de réfléchir avant d’en venir à un tel essai, » dit froidement le moine ; « il y a assez d’hommes dans les domaines de Sainte-Marie prêts à revendiquer ses droits contre tous ceux qui voudraient les enfreindre.
— Mon cousin de Northumberland saura tirer vengeance de cette conduite envers un parent bien aimé et qui lui tient de si près.
— Le seigneur abbé saura protéger les droits de son territoire avec ses armes spirituelles et temporelles. D’ailleurs réfléchissez : si nous vous envoyons demain à votre parent à Alnwick, il n’osera pas se dispenser de vous remettre comme prisonnier à la reine d’Angleterre. N’oubliez pas, sir chevalier, que vous êtes sur un chemin glissant, et contentez-vous de rester prisonnier jusqu’à ce que l’abbé ait décidé l’affaire : il ne manque pas d’hommes armés pour réprimer vos tentatives d’évasion ; patientez et résignez-vous à une soumission nécessaire. »