Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/339

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avait posé la petite lampe, et elle y vit une figure et des yeux toujours pleins de gentillesse et de vivacité, mais ennoblis en ce moment par l’expression énergique d’une âme qui ose concevoir et exécuter un projet plein d’une généreuse audace.

« Se pourrait-il que ces traits et ces yeux, avec le service que je vais rendre à sir Piercy Shafton, ne pussent rien pour rapprocher la distance de rang qui existe entre nous ? »

Telle était la question que la vanité féminine posait à l’imagination ; mais celle-ci n’osa y répondre affirmativement. Il fallut adopter une conclusion moyenne. « Secourons d’abord ce brave jeune homme et fions-nous à la fortune pour le reste. » Aussi, bannissant de son esprit tout ce qui pouvait la concerner, la jeune fille généreuse, bien que téméraire, tourna ses pensées vers les moyens d’exécuter son entreprise.

Les obstacles qui s’y opposaient n’étaient pas faciles à surmonter. La vengeance des hommes de ce pays dans les cas de défi à mort, c’est-à-dire lors d’une querelle causée par la mort d’un parent, était un des traits les plus remarquables de leur caractère. Édouard, qui était très-doux en toute autre circonstance, avait aimé si tendrement son frère, qu’on pouvait s’attendre qu’il signalerait son ressentiment tout autant que le permettaient les usages de la contrée. Il fallait traverser la porte intérieure de l’appartement, la grille extérieure de la tour et la porte pour que le prisonnier fut en liberté ; puis il fallait trouver un guide et se procurer les moyens d’aller plus loin, sans quoi l’évasion était inutile. Mais quand la volonté d’une femme est fixée, il est rare que son esprit soit arrêté par des obstacles, quels qu’ils soient.

Il n’y avait pas long-temps que le sous-prieur avait quitté l’appartement, que déjà Mysie avait imaginé un plan hardi certainement, mais qui pouvait réussir s’il était bien conduit. Mais il fallait qu’elle attendît assez tard pour que les habitants de la tour fussent livrés au repos, excepté ceux qui gardaient le chevalier. Elle employa cet intervalle à épier les mouvements de celui en faveur duquel elle se hasardait si généreusement.

Elle l’écouta se promener dans la chambre ; il songeait sans doute à l’embarras de sa position. Bientôt elle entendit qu’il fouillait dans ses malles que le sous-prieur avait fait transporter dans son appartement. Il cherchait probablement à se distraire de ses réflexions mélancoliques en mettant ses effets en ordre. Enfin il marcha de nouveau, et il paraissait que son esprit s’était un peu