Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/351

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verrous et des barrières sous lesquels elle les avait soigneusement enfermés avant de prendre la fuite.

Ils continuèrent donc leur route avec une sécurité raisonnable. Sir Piercy Shafton trouva le moyen de faire passer le temps par ses hyperboles et en racontant de longues anecdotes de la cour de Féliciana ; Mysie prêtait une oreille attentive aux récits de son compagnon de voyage, quoiqu’elle ne comprît pas un mot sur trois. Elle l’écoutait néanmoins et l’admirait sur parole, comme plus d’un homme sage supporte avec complaisance la conversation d’une maîtresse charmante, mais sans esprit. Pour sir Piercy Shafton, il était dans son élément, et bien assuré de l’intérêt et de l’entière approbation de son auditeur ; il continua à se lancer dans des phrases d’un euphuisme plus obscur et plus long qu’à l’ordinaire. La matinée se passa ainsi, et vers midi ils arrivèrent près d’un ruisseau sur les bords tortueux duquel s’élevait un ancien château baronial entouré de grands arbres. À une petite distance de la porte du manoir s’étendaient quelques cabanes çà et là ; une église était au centre de ce hameau.

« Voilà Kirktown, dit Mysie ; je connais ce village, il y a deux hôtelleries ; la plus mauvaise est la meilleure pour notre projet ; elle est éloignée des autres maisons et j’en connais bien le maître, car il a acheté souvent de la drèche chez mon maître.

Cette causa scientiœ, pour nous servir d’une phrase de légiste, était mal choisie pour le projet de Mysie ; en effet sir Piercy Shafton avait conçu une grande estime pour sa compagne de voyage qui le laissait se livrer à son bavardage habituel, et, charmé de la docilité gracieuse avec laquelle elle se soumettait au pouvoir de sa conversation, il avait presque oublié qu’elle n’était pas une de ces beautés de haut lignage dont il racontait de si charmantes choses ; mais cette phrase malencontreuse vint rappeler immédiatement à son souvenir les circonstances les plus désavantageuses à Mysie. Il ne dit cependant mot ; qu’aurait-il pu dire ? rien n’était plus naturel que la fille d’un meunier connût les aubergistes qui achetaient de la drèche chez son père ; et, ce qui devait seulement étonner, c’était le concours d’événements qui avaient rendu une telle femme la libératrice et le guide de sir Piercy Shafton de Wilverton, parent du puissant comte de Northumberland, que les princes et les souverains eux-mêmes traitaient de cousin parce