Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/368

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tant de rats pris dans une ratière. Et celui-là derrière qui avec sa longue barbe semble être le plus vieux rat du cellier !…

— Paix, grossier personnage ! dit Édouard ; c’est le père sous-prieur, et ce n’est ni le temps, ni le lieu, de vous permettre des railleries insolentes.

— Comment donc ! mon jeune maître fait le rodomont ; ah, bien ; sachez que, quand même ce serait mon propre père, mon père qui m’a engendré, au lieu d’être, comme on l’appelle, le père de tout le monde, je n’en voudrais pas moins passer mon envie de rire. Mais voilà qui est fini ; il faut que je vous aide, je le vois, car vous me paraissez novices à cette besogne. Placez la pince plus près de la serrure, l’ami, et faites-moi passer un levier de fer à travers les barreaux ; vous allez voir que ce sera bientôt fait ; j’ai enfoncé autant de portes, pour pénétrer dans les châteaux, que vous pouvez avoir de dents dans votre mâchoire, jeunes gens, et je n’en ai pus mal forcé aussi pour en sortir, comme le capitaine de Lochmaben le sait très-bien. »

Christie ne s’attribuait pas cette fois plus de mérite en ce genre qu’il n’en possédait réellement ; car toutes les forces réunies ayant agi en même temps sous la direction de cet habile ingénieur, le pêne et le verrou sautèrent en l’air, et la porte resta ouverte devant eux.

« Et maintenant, à cheval ; mes amis, s’écria Édouard, et poursuivons ce scélérat de Shafton !

— Halte-là, dit Christie de Clint-Hill ; poursuivre votre hôte, l’ami de mon maître et le mien ? J’ai deux mots à dire dans cette affaire. Au nom de tous les diables, pourquoi voulez-vous le poursuivre ?

— Laissez-moi passer, » dit Édouard avec impétuosité, « je n’écoute personne : le scélérat a assassiné mon frère.

— Que dit-il ? » s’écria Christie en se tournant vers les autres ; « assassiné ? qui a-t-on assassiné ? qui est l’assassin ?

— L’Anglais sir Piercy Shafton, dit Dan d’Howelet-Hirst, a tué hier matin le jeune Halbert Glendinning, et nous avons pris les armes à cette nouvelle.

— C’est une affaire vraiment digne de Beldam, reprit Christie ; voilà que je vous trouve enfermés dans votre propre tour, et j’arrive tout juste pour vous empêcher de venger un meurtre qui n’a pas été commis.

— Je vous dis, répéta Édouard, que mon frère a été tué et enterré hier matin par ce traître d’Anglais.