Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/388

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« À l’instant même, si vous voulez, » dit le sous-prieur cédant à cette impétuosité. « Allez donc commander les préparatifs de notre départ. Ha ! arrêtez un moment, » ajouta-t-il en voyant Édouard s’élancer hors de la chambre avec l’ardeur enthousiaste qui le caractérisait, « approchez-vous, mon fils, et mettez-vous à genoux. »

Édouard obéit et s’agenouilla devant lui. Le sous-prieur avait une petite taille et une physionomie peu imposante ; toutefois l’énergie de son accent, le ton de conviction profonde avec lequel il parlait, pénétraient ses élèves et ses pénitents d’un sentiment extraordinaire de respect envers lui. Son cœur était toujours de moitié avec le devoir dans les fonctions qu’il remplissait ; et le guide spirituel qui montre une conviction si profonde de l’importance de son ministère, manque rarement de produire une forte impression sur l’esprit de ses auditeurs. Dans les occasions comme celle où il se trouvait, son corps semblait prendre une stature plus majestueuse, ses traits amaigris un air plus noble et plus imposant ; sa voix, toujours expressive, tremblait, comme soumise à l’inspiration immédiate de la Divinité ; tout son être semblait annoncer, non pas un homme ordinaire, mais l’organe de l’Église, à qui elle avait confié le pouvoir de délivrer les pécheurs du fardeau de leurs iniquités.

« Mon fils, dit-il, avez-vous fidèlement raconté les circonstances qui vous ont subitement déterminé à embrasser la vie religieuse ?

— Je vous ai fait l’aveu de tous mes péchés, mon père, répondit Édouard ; mais je ne vous ai point encore parlé d’une étrange apparition, qui peut-être n’a pas médiocrement concouru à me faire prendre cette résolution.

— Parlez, parlez donc, dit le sous-prieur, c’est un devoir pour vous de ne me laisser rien ignorer, afin que je puisse bien comprendre l’impulsion à laquelle vous cédez.

— Je ne vous ferai ce récit qu’avec répugnance ; car quoique je ne dise que la vérité. Dieu m’en est témoin, je suis moi-même enclin à la regarder comme une fable.

— N’importe, dites-moi ; ne craignez point de moqueries de ma part ; je puis avoir des raisons pour regarder comme vrai ce qui paraît fabuleux aux autres.

— Sachez donc, mon père, que partagé entre la crainte et l’espérance, quelle espérance, juste ciel ! l’espérance de trouver le cadavre de mon frère jeté dans la boue ensanglantée et foulée par le pied d’un odieux assassin ! je volai à la vallée appelée Corrie-