Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/404

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au-dessus-d’elle. L’abbé paraissait accablé sous le poids de ses tristes craintes ; mais ses yeux restaient fixés sur les traits du sous-prieur, comme pour tâcher de découvrir quelque motif de consolation et d’espérance dans l’expression de sa physionomie. Lorsqu’enfin il s’aperçut qu’après avoir pris une seconde fois lecture des lettres, il continuait à garder le silence et à rester enseveli dans de profondes réflexions, il lui dit avec l’expression de l’inquiétude : « Eh bien, que faut-il faire ?

— Notre devoir, répondit le sous-prieur ; le reste est entre les mains de Dieu.

— Notre devoir, notre devoir ! » reprit l’abbé d’un ton d’impatience. « Sans doute nous devons faire notre devoir : mais quel est ce devoir, et de quelle utilité nous sera-t-il ? Nos cloches, nos bréviaires et nos cierges chasseront-ils les hérétiques anglais ? Murray prendra-t-il garde à nos psaumes et à nos antiennes ? combattrai-je pour cette communauté, comme Judas Machabée contre ces profanes Nicanor ? et enverrai-je le sacristain à ce nouvel Holopherne, pour qu’il me rapporte sa tête dans un panier ?

— Il est vrai, mon révérend père, reprit le sous-prieur que nous ne pouvons combattre avec des armes temporelles, ce serait violer la sainteté de notre habit et les vœux que nous avons faits. Mais nous pouvons mourir pour notre croyance et pour la défense de notre abbaye ; nous avons en outre le droit d’armer tous ceux qui ont la force et la volonté de combattre. Les Anglais ne sont qu’en très-petit nombre, et comptent, à ce qu’il paraît, se réunir à Murray, dont la marche a été interrompue. Si Foster avec ses bandits du Cumberland et de l’Hexham ose entrer en Écosse pour venir piller et dévaster notre couvent, nous lèverons nos vassaux, et j’espère que nous aurons alors des forces suffisantes pour leur livrer bataille.

— Par le saint nom de Notre-Dame ! s’écria l’abbé, me croyez-vous donc un Pierre-l’Ermite, capable de marcher à la tête d’une armée ?

— Non, répondit le sous-prieur, il faut leur donner un chef habile et expérimenté, tel, par exemple, que Julien Avenel, un guerrier éprouvé.

— Quoi ! un railleur impie, un homme débauché, un fils de Bélial ?

— Quand cela serait, il faut nous servir de son expérience dans un art pour lequel il a été élevé ; nous pouvons le récompenser ri-