Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/411

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la conduire au château d’Avenel où une jeune fille favorisée de la nature n’a jamais été mal accueillie.

— Tu reconduiras cette fille infortunée chez son père ; et ne te permets à cette occasion aucune mauvaise plaisanterie ; songe à conduire cette jeune fille à la maison paternelle, en toute sûreté et tout honneur.

— En toute sûreté, je vous le promets ; et en tout honneur, c’est-à-dire ce qui lui en reste après son incartade. Mais permettez-moi de prendre congé de Votre Révérence, il faut que je sois à cheval avant le chant du coq.

— Quoi ! au milieu de la nuit ? comment pourras-tu reconnaître ton chemin ?

— J’ai reconnu les pas de son cheval et j’ai suivi ses traces jusqu’au gué que nous avons traversé ensemble, dit Christie ; là j’ai remarqué qu’elles tournaient tout à coup vers le nord. Il se dirige sur Édimbourg, je vous en réponds ; dès que le jour paraîtra, je serai sur cette route. Ces traces sont marquées par le pied d’un cheval qui porte au sabot une marque facile à reconnaître ; son fer est de la fabrique du vieux Eckie de Canobie ; je le jurerais à sa courbure. » À ces mots, il se retira.

« Détestable nécessité ! » pensa le père Eustache après le départ du jackman, « pénible circonstance, qui oblige à employer de tels auxiliaires ! Mais assaillis de tous côtés comme nous le sommes, et par des gens de tous les rangs, quelle alternative nous reste-t-il ? Mais songeons à nous occuper de ce qui est le plus urgent. »

Le nouvel abbé se mit alors à écrire des lettres, et donna encore plusieurs ordres. Il se prépara à soutenir à lui seul un édifice dont la ruine paraissait prochaine, s’efforçant de prévenir sa chute, et déployant autant de force et de courage que le commandement d’une forteresse réduite à la dernière extrémité, en calculant les moyens qui lui restent pour retarder le moment fatal d’un dernier assaut. Pendant ce temps, l’abbé Boniface, après avoir donné quelques soupirs de regret assez naturels à la prééminence dont il avait joui pendant si long-temps, s’endormit profondément, abandonnant tous les soins et toutes les inquiétudes à son collègue et successeur.