Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/439

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nos esprits ne seront point remplis d’une orgueilleuse jalousie, mais d’une douceur et d’une indulgence chrétienne ; nos oreilles ne seront point assourdies, ni nos sens troublés par le son bruyant des instruments de guerre ; mais, au contraire, nos voix chanteront Alleluia, Kyrie eleison et Salve Regina, ayant l’esprit calme et modéré, comme des hommes qui pensent à se réconcilier avec leur Dieu, et non à se venger de leurs frères.

— Seigneur abbé, dit sir Piercy, cela ne fait rien au destin de ma Molinara, et je vous prie de remarquer que je ne l’abandonnerai pas tant que poignée d’or et lame d’acier formeront mon épée. Je lui avais dit de ne pas nous suivre dans la plaine, et il me semble maintenant que je l’ai vue couverte de son costume de page au milieu des combattants, dans l’arrière-garde.

— Vous devez chercher autre part la personne dont le sort vous intéresse tant, dit l’abbé ; vous pourriez vous informer d’elle à l’église, où nos vassaux désarmés sont allés se réfugier. C’est mon avis que vous devez vous placer aussi à l’ombre des autels. Sir Piercy Shafton, ajouta l’abbé, soyez sûr d’une chose, c’est que s’il vous arrive un malheur, il sera partagé par toute la communauté ; car, j’en ai la conviction, jamais le moindre de nous ne voudra racheter sa sûreté au prix de la liberté d’un ami ou d’un hôte. Quittez-nous, mon fils, et puisse Dieu vous secourir ! »

Lorsque sir Piercy Shafton fut sorti, l’abbé allait se rendre à sa propre cellule : on vint lui dire qu’un personnage inconnu lui faisait demander instamment une conférence ; il ordonna qu’on le fît entrer, et reconnut Henri Warden. L’abbé tressaillit, et s’écria d’un ton de colère : « Ah ! le peu d’heures que le destin accorde au dernier abbé, peut-être, du monastère de Sainte-Marie ne peuvent-elles être à l’abri de l’hérésie ? Viens-tu jouir d’avance des succès que le destin prépare à ta secte maudite et cruelle ? viens-tu voir le balai de la destruction enlever la gloire de l’ancienne religion ? viens-tu pour vider nos châsses, mutiler et briser les reliques, jeter au vent la cendre de nos bienfaiteurs aussi bien que leurs sépulcres, détruire les tours et les ornements de la maison de Dieu et de Notre-Dame ?

— Silence ! William Allan ! » dit le prédicateur avec une tranquillité pleine de dignité ; « je ne suis venu pour aucun de ces motifs. Je voudrais que ces superbes reliquaires fussent dépouillés des simulacres qui ne sont plus depuis long-temps regardés comme des effigies des hommes bons et sages, mais qui sont de