Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/142

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quoi me regarder ainsi avec des mines blêmes comme des faces de carême ? Allez-vous renoncer à votre ancien amusement, parce qu’une vieille femme est venue vous parler des saints et du purgatoire ?… Bah ! je suis sûr que déjà vous voudriez avoir tout mis sens dessus dessous ?… Allons, commencez, tambours et cornemuses ! commencez, flûtes et violons !… Des danses et de la joie aujourd’hui ! à demain les soucis ! Ours et loups, veillez sur votre prisonnier ! Trotte cheval ! Siffle, dragon !… Et vous, enfants, criez tous ensemble. Tandis que nous restons sans rien faire, la vieillesse nous atteint ; la vie est trop courte pour qu’on la perde dans l’oisiveté. »

Cette exhortation pathétique obtint l’effet désiré. Ils brûlèrent dans l’Église de la laine et du cuir, au lieu d’encens, remplirent d’eau sale les bénitiers et célébrèrent le service divin en le parodiant : le faux abbé officiait à l’autel, et la foule chantait d’indécentes et grotesques parodies sur les airs des hymnes de l’Église. Ils profanèrent les habillements, tous les vases sacrés de l’abbaye qui leur tombèrent sous la main. Enfin, après avoir satisfait toutes les fantaisies qui s’offraient à leur imagination capricieuse, ils songèrent à contenter mieux encore leur envie de détruire : ils brisèrent toutes les pièces de bois travaillé, cassèrent tous les vitraux peints, qui avaient échappé à leur première fureur, et, après une minutieuse recherche des pièces de sculpture qui sentaient l’idolâtrie, se mirent à enlever le peu d’ornements restés sur des tombeaux ou aux chapiteaux des piliers.

La passion de détruire, comme toutes les passions, augmente à mesure qu’on la satisfait. Après avoir ainsi essayé tous les moyens de mal faire, les têtes les plus chaudes de la multitude songèrent à exécuter leurs ravages sur une échelle plus étendue. « Renversons-le, ce vieux nid de corbeaux ! s’écria-t-on de toutes parts ; il a trop long-temps servi au pape et à ses acolytes ; » et on entonna une ballade alors en vogue parmi le peuple :

Le pape voulait nous instruire ;
Nous lui répondons aujourd’hui :
L’aveugle se fait-il conduire
Par un aveugle comme lui ?
Non, moquons-nous de la censure ;
Rions, chantons… sous la verdure.
L’abbé, prêchant la continence,
Caressait nos jeunes tendrons ;