Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

péri, accident qui imposait à ses amis le devoir de venger sa mort à la première occasion. Le bras de la police était si faible, qu’il était ordinaire de voir de pareilles escarmouches durer des heures entières quand les forces étaient nombreuses et égales. Mais, depuis quelque temps, le régent, homme doué d’une grande force de caractère, sentant combien il était dangereux de tolérer de tels actes de violence, avait ordonné aux magistrats d’entretenir constamment des gardes sur pied pour prévenir ce désordre, ou du moins pour le réprimer comme ils venaient de le faire.

Le fauconnier et son jeune compagnon descendaient la Canongate[1] ; ils avaient ralenti leur pas pour éviter d’attirer l’attention, d’autant plus qu’il n’y avait aucune apparence de poursuite. Roland penchait la tête, en homme qui sentait que sa conduite n’avait pas été très-sage : son compagnon lui adressa ces mots :

« Vous plairait-il de me dire une chose, maître Roland : je désirerais savoir s’il y a en vous un démon incarné ou non ?

— Vraiment, monsieur Adam Woodcock, répondit le page, j’espère encore que non.

— Alors, reprit Adam, je voudrais bien savoir par quelle influence, ou par quelle instigation, vous êtes continuellement, de côté ou d’autre, fourré dans quelque sanglante dispute. Dites-moi, je vous prie, qu’aviez-vous à faire avec ces Seyton et ces Leslie, dont vous n’aviez jamais entendu le nom une seule fois dans votre vie ?

— Vous n’y êtes pas, mon ami, dit Roland, j’ai mes propres raisons pour être l’ami des Seyton.

— Elles sont donc bien secrètes ; car j’aurais parié que vous ne connaissiez pas même une seule personne de ce nom, et je le pense encore ; votre maudite passion pour le cliquetis des armes, bruit aussi délicieux pour vous que le tintement d’une marmite de cuivre pour un essaim d’abeilles[2], et non aucun intérêt pour les Seyton ou les Leslie, voilà bien plutôt ce qui vous a engagé à risquer votre tête folle dans une querelle où vous deviez demeurer étranger. Mais soyez assuré, mon jeune maître, que si vous devez dégainer avec chaque homme qui tire ici l’épée dans la High-Gate, ce n’est pas la peine de la remettre dans le fourreau pour le reste de votre vie ; car, si je calcule juste, elle y serait à

  1. Une des rues principales d’Édimbourg.
  2. Lorsqu’un essaim d’abeilles s’égare, on le ramène à la ruche en frappant sur un chaudron de cuivre.