Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient frappé ses oreilles d’un vain bruit, ses yeux étaient restés continuellement fixés sur un objet si intéressant. Enfin, comme la belle était sur le point d’entrer sous un de ces passages qui donnent aux maisons voisines une issue sur la Canongate (passage orné d’un écu d’armes avec deux énormes renards en pierre pour support), elle avait soulevé son voile, peut-être dans le dessein de voir quel cavalier l’observait avec tant d’intérêt. Le jeune Roland avait eu le temps d’entrevoir, sous son plaid de soie, ses yeux brillants d’azur, ses beaux cheveux, ses traits animés, et cela suffit pour l’engager, comme un jeune fou plein de témérité, dont la conduite n’avait jamais été ni contredite, ni réfléchie, à jeter la bride de son cheval sur le bras d’Adam, et à lui faire jouer le gentilhomme en vedette, tandis qu’il courait après Catherine Seyton.

La vivacité de l’esprit des femmes est passée en proverbe ; et pourtant Catherine ne trouva pas de meilleur expédient que d’avoir recours à la légèreté de ses jambes, dans l’espérance de mettre en défaut la poursuite du page, et de lui dérober le lieu de sa retraite. Mais il n’est pas aisé de devancer un jeune homme de dix-huit ans à la poursuite d’une maîtresse. Catherine traversa en fuyant une cour pavée, décorée de grands vases de pierre, dans lesquels croissaient des ifs, des cyprès et d’autres arbres toujours verts, qui répandaient autour d’eux une sombre tristesse parfaitement en harmonie avec l’aspect solennel de l’édifice massif et élevé en face duquel ils étaient placés comme ornements ; ces arbres traçaient un carré, et au-dessus d’eux on apercevait une portion du bleu firmament de forme également quadrangulaire ; tout autour s’élevaient d’immenses murs noirs percés de cinq étages de fenêtres : au-dessus de chaque étage se dessinait une architrave pesante chargée d’armoiries et d’emblèmes religieux.

Catherine Seyton parcourait cette cour avec la rapidité d’une biche poursuivie des chasseurs, faisant le meilleur usage possible de ses jolies jambes, qui avaient même attiré les éloges du réfléchi et prudent Adam Woodcock. Elle atteignit une grande porte au centre de la façade du fond de la cour, tira la bobine jusqu’à ce que le loquet montât, et se cacha dans l’antique demeure. Mais, si elle avait fui comme une biche, Roland l’avait suivie avec la rapidité et l’ardeur d’un jeune lévrier lâché pour la première fois sur sa proie. Il ne la perdit pas de vue, en dépit de ses efforts ; car il est remarquable quel avantage possède dans une telle course le galant curieux sur la jeune fille qui souhaite de n’être pas aperçue,