Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/215

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que téméraire de donner à une bête le nom du roi des ténèbres.

— Il était encore moins convenable, je pense, dit le page, de donner à un animal vicieux le nom d’une noble famille.

— Eh bien ! continua Woodcock, Scyton ou Satan, j’aimais ce petit cheval plus que tous les autres de l’écurie. Il n’y avait pas moyen de dormir sur son dos ; il caracolait, cabriolait, se cabrait, mordait, ruait, et vous donnait de la besogne : et bien souvent alliez-vous mesurer de votre dos l’étendue du terrain. Je pense que je vous préfère à tout autre jeune homme dans le château, précisément à cause des mêmes qualités.

— Merci, merci, mon cher Adam. Je me tiens redevable à vous pour la bonne opinion que vous avez de moi.

— Ne m’interrompez donc pas, dit le fauconnier : Satan était un bon cheval… Mais maintenant que j’y pense, je crois que je donnerai vos noms à deux jeunes faucons ; l’un s’appellera Roland et l’autre Græme ; et tant qu’Adam vivra, soyez sûr d’avoir un ami. Touchez là, mon cher enfant ! »

Roland lui rendit très-cordialement sa poignée de main, et Woodcock, ayant bu une grande rasade, continua son discours d’adieu.

« Maintenant que vous allez parcourir le monde, monsieur Roland, sans avoir mon expérience pour vous secourir, il y a trois choses contre lesquelles je dois vous prémunir. Premièrement, ne dégainez jamais votre poignard pour des motifs frivoles. Tout le monde n’a pas un justaucorps aussi bien rembourré que certain abbé de votre connaissance. Secondement, ne courez pas après chaque jolie fille, comme l’émerillon après la grive : vous ne gagneriez pas toujours une chaîne d’or pour vos peines. Et en parlant de cela, voici votre fanfaronne que je vous rends : gardez-la avec soin, elle est pesante, elle peut servir dans l’occasion à plus d’une fin. Troisièmement, et pour conclure, comme dit notre digne prédicateur, méfiez-vous du flacon. Il a noyé le jugement d’hommes plus sages que vous. Je pourrais vous en citer quelques exemples, mais la chose est inutile, car si vous oubliez vos fredaines, vous aurez peine à ne pas vous rappeler les miennes. Sur ce, adieu, mon cher enfant. »

Roland lui répondit par des souhaits non moins bienveillants, et ne manqua pas d’envoyer ses humbles respects à sa bonne maîtresse, chargeant en même temps le fauconnier de lui exprimer son regret de l’avoir offensée, et témoignant sa résolution de se