Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie pour une cause aussi belle que devait l’être celle de Marie. Elle avait été élevée en France : elle possédait la plus rare beauté ; elle avait régné en reine, et comme reine d’Écosse, à qui la connaissance des caractères était aussi essentielle que l’air qu’on respire. Sous tous ces rapports, Marie était de toutes les femmes du monde la plus prompte à s’apercevoir, et la plus adroite à profiter des avantages que ses charmes lui donnaient sur tous ceux qui se trouvaient dans la sphère de son influence. Elle jeta sur Roland un regard qui aurait amolli un cœur de pierre. « Mon pauvre enfant, » lui dit-elle avec un sentiment en partie réel, et en partie exagéré, « vous nous êtes étranger, on vous arrache à la société de quelque mère tendre, d’une sœur, d’une jeune fille avec laquelle vous aviez la liberté de danser autour du mai, et l’on vous envoie dans cette triste captivité. J’en ai regret pour vous ; mais vous êtes le seul homme de ma suite ; obéirez-vous à mes ordres ?

— Jusqu’à la mort, madame ! » répondit Roland d’un ton déterminé.

— Gardez donc la porte de mon appartement, reprit la reine : gardez-la jusqu’à ce que ces visiteurs intrus fassent violence pour entrer, ou jusqu’à ce que je sois convenablement habillée pour les recevoir.

— Je la défendrai jusqu’à ce qu’ils me marchent sur le corps ! » s’écria Roland. Toute l’hésitation qu’il avait sentie touchant la règle de conduite qu’il devait suivre disparut complètement par l’impulsion du moment.

« Non, mon bon jeune homme, dit Marie, non, ce n’est pas cela que je vous commande. Si j’ai près de moi un seul sujet fidèle, j’ai grand besoin, Dieu le sait, de songer à sa sûreté. Ne résistez qu’autant qu’il le faudra pour les faire rougir d’employer la violence, et alors, livrez-leur passage, je vous l’ordonne. Rappelez-vous mes injonctions. » Puis, avec un sourire qui exprimait à la fois la faveur et l’autorité, elle s’éloigna, et entra dans sa chambre, accompagnée des deux dames de sa suite.

La plus jeune s’arrêta un moment avant de suivre sa compagne, et fit à Roland un signe de la main. Il avait reconnu en elle depuis long-temps Catherine Seyton, circonstance qui ne pouvait surprendre beaucoup un jeune homme doué d’une vive intelligence, et se rappelant le discours mystérieux qui s’était tenu entre les deux matrones au couvent abandonné de Sainte-Catherine, discours que la rencontre de Catherine achevait d’expliquer. Cepen-