Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/247

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— Certes, milords, répondit Melville, vous connaissez bien, je n’en doute pas, vos instructions secrètes. Mais moi j’obéirai aux miennes en m’efforçant de me placer comme médiateur entre Sa Grâce et vous.

— Silence, sir Robert Merville, » s’écria la reine en se levant, le visage encore tout enflammé d’agitation. « Mon mouchoir, Fleming. J’ai honte que des traîtres aient pu m’émouvoir ainsi. Dites-moi, superbes lords, » ajouta-t-elle en essuyant ses larmes, « de quel droit des sujets prétendent-ils déposer une souveraine qui a été sacrée, pour renoncer à la fidélité qu’ils ont jurée, et pour renverser la couronne d’une tête sur laquelle la loi divine l’a placée ?

— Madame, dit Ruthven, je serai franc avec vous. Votre règne, depuis la malheureuse bataille de Pinkie-Gleugh[1], lorsque vous étiez encore un enfant au berceau, jusqu’à présent que vous êtes devant nous, devenue femme, a été un assemblage tragique de pertes, de désastres, de dissensions civiles, de guerres étrangères, dont on ne trouve pas d’exemples dans nos chroniques. Les Français et les Anglais, comme d’un consentement unanime, ont fait de l’Écosse un champ de bataille où ils venaient les armes à la main vider leur ancienne querelle. Quant à nous, chaque homme a levé la main contre son frère ; pas une année ne s’est passée sans rébellion, sans meurtre, sans exil des nobles, sans oppression des communes. Nous ne pouvons supporter de tels malheurs plus long-temps : c’est pourquoi nous vous prions, comme une princesse à laquelle Dieu a refusé le don d’écouter les sages conseils, et sur les projets et les desseins de laquelle jamais sa bénédiction n’est descendue, de céder le gouvernement et l’administration de l’Écosse à une main capable de sauver les débris de ce royaume déchiré.

— Milord, dit Marie, il me semble que vous faites peser sur ma tête malheureuse et dévouée des calamités qu’avec plus de justice je pourrais imputer à vos esprits turbulents, farouches et intraitables. Oui, ce qu’il faut en accuser, c’est la violence frénétique avec laquelle, vous et les grands d’Écosse, vous êtes toujours prêts à vous entre-déchirer, commettant sans remords les cruau-

  1. Livrée en 1547. Les Anglais, commandés par le protecteur Heriford, duc de Sommerset, y défirent, après un combat sanglant, l’armée écossaise, commandée par le comte d’Arrau, régent du royaume d’Écosse. a. m.