Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/257

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de mes plus grands ennemis et de ceux de mon peuple, je ne mettrai point mon nom au bas d’une telle fausseté, non ! quand je devrais acheter à ce prix la possession de l’Angleterre, de la France et de l’Écosse, qui m’ont appartenu soit de fait, soit de droit[1].

— Prenez garde, madame, dit Lindesay ; » et saisissant le bras de la reine de sa main couverte d’un gantelet, il le serra, dans l’emportement de la colère, plus fortement peut-être qu’il n’en avait l’intention ; « prenez garde de lutter avec ceux qui sont les plus forts, et les maîtres de votre destinée. »

Il continua de serrer le bras de Marie en fixant sur elle un regard farouche et effrayant, jusqu’à ce que Ruthven et Melville eussent crié : « Fi donc ! milord ! » et que Douglas, qui jusque-là était resté dans un état d’apathie apparente, eût quitté la porte où il se tenait, comme s’il eût voulu venir s’interposer. Le grossier baron lâcha prise, déguisant la confusion qu’il ressentait d’avoir cédé à un tel point à sa colère, sous un sourire sombre et méprisant.

La reine alors, avec une expression de souffrance, mit à nu le bras qu’il avait serré, en relevant la manche de sa robe, et fit voir qu’il y avait laissé l’empreinte pourprée de ses doigts de fer. « Milord, dit-elle, comme chevalier et gentilhomme, vous auriez pu épargner à mon pauvre bras une si rude preuve que la force est de votre côté, et que vous êtes décidé à l’employer. Mais je vous en remercie, c’est la marque la plus décisive de la situation où je me trouve aujourd’hui ; je vous prends à témoin, lords et ladys, » dit-elle en montrant l’empreinte du gantelet sur son bras, « que je signe ces parchemins en obéissance au geste de milord Lindesay, geste dont vous voyez la trace empreinte sur mon bras. »

Lindesay aurait voulu parler, mais il fut retenu par son collègue, qui lui dit : « Paix, milord ! que la reine Marie d’Écosse attribue sa signature à telle circonstance qu’il lui plaira ; notre affaire est de nous la procurer et de l’apporter au conseil. On discutera après sur la manière dont elle a été donnée : il y aura assez de temps pour cela. »

Lindesay garda donc le silence, et murmura seulement dans sa barbe : « Je ne voulais pas la blesser ; il faut donc que la chair d’une femme soit tendre comme la neige nouvellement tombée. »

En attendant, la reine avait signé les rouleaux de parchemin

  1. Marie Stuart était reine d’Écosse, la plus proche héritière d’Élisabeth reine d’Angleterre, et veuve de François II, roi de France. a. m.