Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/267

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habile sorcier que Michel Scott, que je pourrais à peine expliquer un pareil songe. Ne vous ai-je pas vue hier au soir dans l’hôtellerie de Saint-Michel ? Ne m’avez-vous pas apporté cette épée, avec l’ordre de ne la tirer qu’au commandement de ma légitime et native souveraine ? et n’ai-je pas fait ce que vous avez exigé de moi ? Ou bien, cette épée est-elle une latte, mon discours un roseau, mon souvenir un rêve, et mes yeux ne sont-ils bons qu’à être enlevés de ma tête par les corbeaux ?

— Au fait, si vos yeux ne vous servent pas mieux dans d’autres occasions que dans votre vision de Saint-Michel, je ne crois pas, la douleur à part, que les corbeaux puissent vous nuire beaucoup en vous en privant. Mais écoutez la cloche… Silence, pour l’amour de Dieu ! on vient nous interrompre. »

Catherine ne se trompait pas ; car le son grave de la cloche n’avait pas plus tôt commencé à se faire entendre sous les voûtes de la salle, que la porte du vestibule s’ouvrit, et l’intendant, avec son air sévère, sa chaîne d’or et sa baguette blanche, entra dans l’appartement, suivi des mêmes domestiques qui avaient placé le dîner sur la table, et qui l’enlevèrent avec les mêmes formalités cérémonieuses.

L’intendant resta immobile comme un vieux portrait de famille, tandis que les domestiques remplissaient leur office. Lorsqu’ils eurent terminé, que le dîner fut desservi, et la table elle-même débarrassée et rangée contre le mur, l’intendant dit d’une voix sourde, sans s’adresser à personne en particulier, et un peu du ton d’un héraut qui lit une proclamation : « Ma noble maîtresse, née dame Marguerite Erskine, Douglas par son mariage, fait savoir à lady Marie Stuart, et à sa suite qu’un serviteur du saint Évangile, son révérend chapelain, fera ce soir, comme à l’ordinaire, un sermon et une instruction suivant les formes de la congrégation des évangélistes.

— Écoutez, mon ami monsieur Dryfesdale, dit Catherine ; je comprends que c’est chez vous affaire d’habitude de répéter tous les soirs cette formule. Sachez cependant que lady Fleming et moi, car je pense que votre insolente invitation ne concerne que nous, nous avons choisi pour aller au ciel le chemin de saint Pierre ; ainsi je ne vois personne à qui votre excellente homélie, sermon ou catéchisme, puisse profiter, excepté ce pauvre page, qui, étant aussi bien que vous-même entre les griffes de Satan, fera mieux, de vous suivre que de rester à nous troubler dans nos dévotions mieux entendues. »