Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/271

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qui se faisait autour de lui, il arriva par degrés à soupçonner et enfin à se convaincre qu’il s’agitait, parmi ses compagnes de captivité, un plan qu’elles désiraient lui dérober. Il devint presque certain à ses yeux que, par des moyens à lui inconnus, la reine Marie entretenait une correspondance au-delà des murs et des flots qui entouraient sa prison, et qu’elle nourrissait quelque espoir secret de délivrance ou d’évasion. Dans les conversations avec ses suivantes, auxquelles il était nécessairement présent, la reine ne pouvait pas toujours s’empêcher de montrer qu’elle avait connaissance d’événements qui se passaient à l’extérieur du château, et que lui Roland n’apprenait que par son rapport. Il observa qu’elle écrivait plus et qu’elle travaillait moins qu’auparavant : d’un autre côté, comme si elle eût voulu endormir les soupçons, elle changeait de conduite envers lady Lochleven ; elle était plus gracieuse avec elle, et semblait se résigner à son sort. « Elles pensent que je suis aveugle, » se dit-il à lui-même, « et que je ne mérite pas qu’on ait confiance en moi, parce que je suis jeune, ou parce que j’ai été envoyé ici par le régent. Bien ! qu’il en soit ainsi, elles seront peut-être fort contentes d’avoir recours à moi dans quelque temps ; et Catherine Seyton, tout effrontée qu’elle est, peut trouver en moi un confident aussi sûr que ce taciturne Douglas, après lequel elle court sans cesse. Peut-être sont-elles fâchées que j’écoute les instructions de maître Élie Henderson : mais c’est leur faute, elles m’y ont envoyé ; et si ce ministre parle avec vérité et bon sens, et prêche seulement la parole de Dieu, il vaut probablement le pape et les conciles. »

Il est à croire que, dans cette dernière conjecture, Roland Græme avait deviné la véritable cause qui empêchait les captives de lui découvrir leur projet. Il avait eu dernièrement plusieurs conférences avec Henderson au sujet de la religion, et il lui avait donné à entendre qu’il avait besoin de ses instructions, quoiqu’il n’eût pas jugé à propos de lui confesser qu’il avait suivi jusqu’alors les dogmes de l’Église de Rome.

Élie Henderson, zélé propagateur de la foi réformée, avait été s’enfermer au château de Lochleven, dans l’intention expresse d’enlever à l’Église de Rome quelques-uns des serviteurs de la reine détrônée, et d’affermir la foi de ceux qui avaient déjà embrassé les doctrines protestantes. Peut-être son espoir tendait-il plus haut ; peut-être élevait-il ses vues de prosélytisme jusqu’à la personne même de la reine déposée. Mais l’obstination avec laquelle