Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/322

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qu’ils coulent. Vous voyez effectivement le supérieur de la communauté de Sainte-Marie sous l’habit d’un pauvre soldat qui donne à son maître le service de son sabre et de son bouclier, et s’il le faut sa vie elle-même, pour une grossière livrée et quatre marcs par an. Mais un tel costume convient au temps, et au milieu des combats que soutient l’Église, il sied autant à ses prélats, que le rochet, la mitre et la crosse, au jour du triomphe.

— Par quelle fatalité ? dit le page, et encore, » ajouta-t-il en se reprenant, « pourquoi le demandé-je ? Catherine Seyton m’avait en quelque sorte préparé à ceci. Mais que le changement ait été si absolu, la ruine si complète !

— Oui, mon fils, vos propres yeux ont vu dans mon élévation au siège d’abbé, tout indigne que j’étais, le dernier acte solennel de piété qui ait été célébré au couvent de Sainte-Marie ; et il restera le dernier jusqu’à ce qu’il plaise au ciel de faire cesser la captivité de l’Église. Pour le moment, le berger est frappé… oui abattu presque jusqu’à terre ; le troupeau est dispersé, et les tombeaux des saints, des martyrs et des pieux bienfaiteurs de l’Église sont abandonnés aux hiboux de la nuit et aux loups du désert.

— Et votre frère, le chevalier d’Avenel, ne pouvait-il rien faire pour votre protection ?

— Lui-même a encouru les soupçons des puissances régnantes : elles sont aussi injustes envers leurs amis que cruelles pour leurs ennemis. Je ne m’en affligerais pas si je pouvais espérer que cette disgrâce pût le détourner de leurs voies ; mais je crains plutôt qu’il ne soit conduit à prouver sa fidélité à leur malheureuse cause par quelque action encore plus nuisible à l’Église et plus offensante envers le ciel. Assez sur ce chapitre ; revenons au sujet de notre rencontre. J’espère qu’il vous suffira de recevoir ma parole que le paquet dont vous étiez porteur m’était envoyé par George Douglas ?

— Alors, dit le page, George Douglas serait-il…

— Un véritable ami de sa reine, Roland ; et avant peu j’espère que ses yeux s’ouvriront sur les erreurs de sa fausse Église.

— Mais quel rôle joue-t-il donc à l’égard de son père et de la dame de Lochleven qui lui a servi de mère ? » dit le page avec impatience.

« Le rôle de leur meilleur ami à tous deux, dans le temps et dans l’éternité, répondit l’abbé ; car il devient l’heureux instrument qui rachète le mal qu’ils ont fait et celui qu’ils préparent