Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/324

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connus du lecteur : il ne déguisa même pas au prélat l’impression qu’avaient faite sur son esprit les arguments du prédicateur Henderson ; mais ce fut accidentellement, et presque involontairement, qu’il laissa pénétrer au père Ambroise l’influence que Catherine Seyton avait acquise sur lui.

« Je le vois avec joie, mon très-cher fils, reprit l’abbé, j’arrive encore assez tôt pour vous arrêter sur le bord du précipice. Ces doutes dont vous vous plaignez sont comme les mauvaises herbes qui croissent naturellement dans une terre forte, et que la main du cultivateur doit extirper avec soin. Je vous donnerai un petit volume dans lequel, avec la grâce de Notre-Dame, j’ai éclairci, un peu plus heureusement peut-être qu’ils ne l’avaient été avant moi, les différences de doctrine qui existent entre nous et les hérétiques : j’y fais remarquer comment, pareils aux Albigeois et aux lollards, ils sèment l’ivraie avec le froment. Mais ce n’est point par la raison seule qu’il vous faut espérer vaincre ces insinuations de l’ennemi : c’est quelquefois par une résistance opportune, et plus souvent par une prompte fuite. Il faut fermer vos oreilles aux arguments de l’hérésiarque, quand les circonstances ne vous permettent pas de quitter sa compagnie. Ancrez vos pensées sur le service de la sainte mère du Sauveur, tandis qu’il épuise vainement ses sophismes blasphématoires. Si vous ne pouvez maintenir votre attention sur des sujets célestes, pensez plutôt à vos plaisirs terrestres que de tenter la Providence en prêtant une oreille attentive à la doctrine erronée… Rêvez de faucons, de chiens, de filets et de fusils… Pensez même à Catherine Seyton, plutôt que de livrer votre âme aux leçons du tentateur. Hélas ! mon fils, ne croyez pas que votre vieil ami, épuisé par les peines et courbé par l’affliction plutôt que par les années ait oublié l’influence que la beauté a sur le cœur d’un jeune homme. Même dans les veilles de la nuit, le cœur brisé par le souvenir d’une reine captive, d’un royaume détruit, d’une église dépouillée et ruinée, il me vient d’autres pensées, des sentiments qui appartiennent à une vie plus jeune et plus heureuse. Ainsi soit-il ! Il nous faut porter le fardeau qui nous est assigné. Et d’ailleurs ce n’est pas en vain que ces passions ont été semées dans le cœur de l’homme ; car parfois et tel est le cas où vous vous trouvez, elles servent à nous maintenir dans des résolutions qui ont un but plus solide. Cependant, soyez prudent, mon fils… Cette Catherine Seyton est la fille d’un des barons les plus orgueilleux, d’un des seigneurs les plus fidèles