Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/356

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« Hélas ! ma mignonne, » car c’était ainsi qu’en signe d’amitié elle nommait souvent sa jeune suivante, « faut-il que vous unissiez aussi courageusement à mon sort infortuné le bonheur de vos jeunes ans ! Ne font-ils pas un couple charmant ? ma Fleming ; et n’est-il pas cruel de penser que je dois faire leur malheur ?

— Non ! » s’écria vivement Roland Græme, « ce sera nous, gracieuse souveraine, qui serons vos libérateurs.

Ex ore parvulorum[1] ! » reprit la reine en levant les yeux au ciel, « si c’est par la bouche de ces enfants, ô Dieu ! que tu m’appelles à reprendre les pensées qui conviennent à ma naissance et à mes droits, tu leur accorderas ta protection, et à moi les moyens de récompenser leur zèle. » Puis, se retournant vers Fleming, elle ajouta aussitôt : « Tu sais, mon amie, si créer du bonheur autour d’elle n’a pas été toujours le passe-temps favori de Marie. Quand les sévères prédicateurs de l’hérésie de Calvin m’adressaient leurs reproches, quand ma noblesse altière abandonna ma cause, n’était-ce pas parce que je me mêlais aux plaisirs innocents d’une jeunesse joyeuse ; parce que, plutôt pour la satisfaction des jeunes gens de ma cour que pour la mienne propre, je prenais part à leurs bals, à leurs chants et à leurs danses. Eh bien ! je ne m’en repens pas, quoique Knox ait appelé cela péché, et Morton un avilissement. J’étais heureuse, parce que je voyais le bonheur autour de moi. Malheur à celui qui fait un crime d’une gaieté expansive ! Fleming, si je remonte jamais sur le trône, n’aurons-nous pas un jour heureux, un charmant mariage ? je ne citerai maintenant ni l’époux ni la fiancée… mais cet époux aura la baronnie de Blairgowrie ; c’est un don digne d’une reine ; et la guirlande de la fiancée sera enlacée des plus belles perles que fournirent jamais les abîmes de Lochlomond. Et toi-même, Marie Fleming, qui surpasses en talent quiconque a jamais orné les tresses d’une reine, toi qui dédaignerais de toucher à celles d’une femme d’un rang moins élevé, toi-même, pour l’amour de moi tu enlaceras ces perles dans les tresses de la jeune épouse. Vois, ma Fleming, suppose des boucles touffues comme celles de notre Catherine, elles ne feraient pas honte à ton talent. »

En disant ces mots, elle passait sa main avec tendresse sur la tête de sa jeune favorite, tandis que l’autre suivante plus âgée lui répondait avec tristesse : « Hélas ! madame où s’égarent vos pensées ?

  1. De la bouche des petits. a. m.