Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/391

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ici une charge bien périlleuse : abandonnée par mon petit-fils, trahie par mes serviteurs, je suis peu digne de la faveur que vous me faites en m’offrant une place à votre table, où je sais que l’on attend de l’esprit et de la gaieté de chaque convive.

— Si lady Lochleven parle franchement, dit la reine, nous ne pouvons deviner ce qui lui donne à croire que nos repas soient assaisonnés de quelque joie. Si elle est veuve, elle vit libre et honorée, à la tête de la maison de son époux défunt. Mais je connais au moins une femme veuve dans le monde, devant laquelle on ne doit jamais prononcer les mots d’abandon et de trahison, parce que personne plus qu’elle n’a connu la valeur de ces expressions.

— En parlant de mes malheurs, madame, je n’avais certes point l’intention de vous rappeler les vôtres, » répondit lady Lochleven ; et il régna de nouveau un profond silence.

Enfin Marie s’adressant à lady Fleming : « Nous ne pouvons commettre de péchés mortels dans ce lieu, ma bonne, où nous sommes si bien gardées et surveillées ; mais si nous le pouvions, ce silence de chartreux nous servirait comme d’une espèce de pénitence. Si tu as quelquefois mal arrangé ma guimpe, ma Fleming, ou si Catherine a fait un point de travers dans sa broderie lorsqu’elle pensait à quelque autre chose qu’à son ouvrage, ou si Roland Græme a manqué le canard sauvage à l’aile, et cassé un carreau dans la fenêtre de la tour, ainsi que cela lui est arrivé la semaine dernière, voici maintenant l’instant de penser à vos péchés et de vous repentir.

— Madame, je parle avec tout le respect possible, dit lady Lochleven ; mais je suis âgée et réclame le privilège de la vieillesse. Il me semble que vos serviteurs pourraient avoir des motifs plus sérieux de repentir que les bagatelles dont vous parlez, comme si vous plaisantiez et du péché et de la réparation. Je vous en demande encore pardon.

— Vous avez été notre dégustatrice, lady Lochleven, et je m’aperçois que vous voudriez joindre à ces fonctions celles de notre confesseur. Mais puisque vous désirez que notre conversation soit sérieuse, puis-je vous demander pourquoi la promesse du régent, c’est-à-dire de l’homme que votre fils nomme ainsi, n’a pas été tenue à mon égard ? De temps en temps cette promesse a été renouvelée et constamment violée : il me semble que les personnes qui prétendent à tant de gravité et de sainteté ne devraient