Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/396

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— La circonstance fait peu d’honneur à l’élégance de mes manières, dit Catherine, si on les confond si aisément avec celles de ce fougueux jeune homme. Mais avec le temps je deviendrai plus sage ; et dans cette vue je suis déterminée à ne plus penser à vos folies, mais à corriger les miennes.

— Quant à vous-même, répliqua le page, la peine ne sera pas grande.

— Je ne sais, » dit Catherine très-gravement, « je crains que nous n’ayons été l’un et l’autre d’une folie impardonnable.

« J’ai été fou, s’écria Roland, fou à lier ; mais vous, aimable Catherine…

— Moi, » reprit Catherine du même ton de gravité qui ne lui était point habituel, « j’ai trop long-temps permis que vous vous servissiez envers moi de semblables épithètes, et je suis fâchée de vous le dire, si cela peut vous faire de la peine.

— Et qui peut avoir si soudainement changé nos relations ensemble ou altéré avec une si prompte cruauté toute la bonté que vous aviez pour moi.

— Je puis à peine le dire, à moins que ce ne soient les événements du jour qui m’ont fait voir qu’il était nécessaire d’observer plus de distance entre nous deux : un hasard semblable à celui qui vous a révélé l’existence de mon frère peut avoir fait connaître à Henri les expressions familières dont vous usez envers moi : hélas ! toute sa conduite, aussi bien que la mort de Dryfesdale, me fait justement appréhender les conséquences qui pourraient en résulter.

— Ne craignez rien pour cela, belle Catherine ; je suis bien capable de me défendre contre des périls de cette espèce.

— C’est-à-dire que vous voudriez vous battre avec le frère pour montrer votre considération pour la sœur ? J’ai entendu dire à la reine, dans ses moments de tristesse, que les hommes, soit dans leur amour, soit dans leur haine, sont les êtres les plus égoïstes de la nature ; et votre indifférence dans ce cas le prouve parfaitement. Mais ne vous désolez pas : vous n’êtes pas pire que les autres.

— Vous me faites injure, Catherine : je pensais seulement qu’une épée me menaçait sans me rappeler dans quelle main votre imagination l’avait placée. Si votre frère était devant moi, l’épée nue à la main, vous ressemblant autant par les traits, par la grâce du maintien et par la voix, il pourrait répandre mon sang avant que je trouvasse le courage de me défendre.