Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/412

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feu ! » Et comme on se hâtait de s’éloigner, le soldat cria d’une voix forte : « Trahison ! trahison ! » sonna la cloche du château, et déchargea son arquebuse sur la petite embarcation. À la lumière et au bruit de l’arme, les dames se précipitèrent les unes sur les autres comme des poules effrayées, tandis que les hommes hâtaient les rameurs. Ils entendirent plus d’une balle siffler sur la surface du lac, non loin de leur petite nacelle ; et par les lumières que l’on apercevait comme des météores à travers toutes les fenêtres, il était évident que tout le château était en alarme, et que la fuite de la reine était découverte.

« Ramez ! s’écria de nouveau Seyton : faites force de rames, ou je vous exciterai avec mon poignard ! Ils vont tout de suite lancer sur le lac un bateau après nous !

— Cela est prévu, dit Roland, j’ai fermé la porte et le guichet sur eux avant de revenir, et aucun bateau ne bougera de l’île cette nuit, si des portes de bon chêne et des verrous de fer peuvent retenir des hommes dans ces murailles de pierre. Je me démets à présent de ma charge de portier de Lochleven, et en donne tes clefs à garder aux kelpy[1]. »

Tandis que les clefs pesantes, qu’il jeta à ces mots, s’enfonçaient dans le lac, l’abbé, qui jusqu’alors n’avait pas cessé de répéter sas prières, s’écria : « Sois béni, maintenant, mon fils, car ta prudence et ta présence d’esprit sont une honte pour nous tous.

— Je connaissais, » dit Marie, respirant plus librement, parce que la barque se trouvait maintenant hors de la portée de la mousqueterie ; « je connaissais bien la fidélité, la promptitude et la sagacité de mon écuyer. Je veux qu’il devienne l’ami de mes fidèles chevaliers Douglas et Seyton… Mais où donc est Douglas ?

— Ici, madame, » répondit la voix sombre et mélancolique d’un batelier qui était assis près d’elle, et qui remplissait les fonctions de timonier.

« Hélas ! est-ce vous qui mettiez votre corps devant moi lorsque les balles pleuvaient autour de nous ?

— Croyez-vous que Douglas, dit-il à voix basse, « aurait souffert qu’un autre hasardât sa vie pour protéger celle de sa reine ? »

Le dialogue fut ici interrompu par un coup ou deux des petites pièces d’artillerie nommées fauconneaux, alors en usage pour défendre les châteaux. Le coup fut trop mal dirige pour avoir quel-

  1. Esprit des rivières, des lacs, des fontaines, et des gouffres où il y a de l’eau.