Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/440

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cœur de Roland ne fut-il point assiégé quand il vit cette déroute, et qu’il ne lui restait plus à lui-même qu’à tourner bride pour aller mettre en sûreté la personne de la reine ! Toute poignante qu’était son infortune, tout accablante qu’était sa honte, il oublia tout, quand du plateau qu’il occupait il vit en ce moment au bas de la hauteur Henry Seyton séparé de son parti dans la confusion de la défaite, couvert de sang et de poussière, se défendant en désespéré contre quelques soldats ennemis qui le serraient dé près, attirés par l’appât de sa magnifique armure. Roland partit comme l’éclair. Poussant son coursier vers le pied de la montagne, il se précipita au milieu des adversaires de Seyton ; de trois ou quatre coups de son épée, il fit mordre la poussière à deux d’entre eux, et força les autres à s’éloigner ; puis, tendant la main à Henri, il lui dit de saisir la crinière de son cheval.

« Dans cette journée nous vivrons ou nous mourrons ensemble, s’écria-t-il, mon cheval est à vous, tenez-vous-y ferme, jusqu’à ce que nous soyons hors de danger. »

Seyton obéit, il rassembla tout ce qui lui restait de force : Roland l’eut bientôt conduit loin du danger et du lieu où ses propres yeux avaient été témoins de l’issue fatale de la bataille. Mais ils ne furent pas plus tôt parvenus sous un couvert d’arbres qui se trouvaient là, que Seyton lâcha prise, et malgré les efforts de Roland pour le soutenir, il tomba sur la pelouse. « Je vous remercie de vos soins généreux, dit-il, c’est ma première et ma dernière bataille ; j’en ai trop vu pour avoir le désir d’assister à la fin. Hâtez-vous ! sauvez la reine. Rappelez-moi au souvenir de Catherine ; on ne la confondra plus avec moi, ce dernier coup d’épée a fait entre nous deux une éternelle distinction.

— Allons ! que je vous aide à monter sur mon cheval, » dit Roland avec vivacité ; ne désespérez pas de sauver vos jours ; pour moi, je puis m’en aller à pied. Tournez la tête et la bride de mon cheval vers l’ouest, et il vous emportera aussi vite que le vent.

— Jamais coursier ne sera plus monté par moi, dit le jeune Seyton ; adieu ! je vous aime mieux en mourant que je ne pense vous avoir jamais aimé dans ma vie. Je voudrais que mes mains ne se fussent pas rougies du sang de ce vieillard ; Sancte Benedicite, ora pro me. Ne vous arrêtez pas plus long-temps à considérer un homme qui se meurt. Hâtez-vous, sauvez la reine. »

Sa voix, en prononçant ces mots, avait fait un dernier effort : à peine Seyton les eut-il achevés qu’il expira. Ces paroles rappelèrent