Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/107

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— Vous êtes un honnête homme, mon hôte, » dit Tressilian après un moment de réflexion, « et je vais vous parler franchement. Si ces deux coquins ont de mauvais desseins contre moi, et je ne nie pas que cela puisse être, c’est qu’ils sont les agents d’un scélérat plus puissant qu’eux.

— Vous voulez parler de M. Richard Varney, n’est-ce pas ? Il était hier à Cumnor-Place, et n’y est pas venu si secrètement qu’il n’ait été vu par quelqu’un qui me l’a dit.

— C’est de lui-même que je veux parler, mon hôte.

— Eh bien, pour l’amour de Dieu, tenez-vous bien sur vos gardes, mon respectable monsieur Tressilian. Ce Varney est le patron et le protecteur d’Antony Foster qui, par une espèce de bail passé entre eux, tient de lui cette maison et ce parc qui en dépend. Varney a reçu en don du comte de Leicester, son maître, une grande partie des terres de l’abbaye d’Abingdon, et entre autres ce domaine de Cumnor-Place. On dit qu’il fait tout ce qu’il veut du comte, quoique j’aie trop bonne opinion de celui-ci pour croire qu’il emploie Varney de la manière que certaines gens le prétendent. Le comte, de son côté, peut tout obtenir de la reine, c’est-à-dire tout ce qui est juste et convenable ; ainsi voyez quel ennemi vous vous êtes fait.

— Eh bien, c’est une chose faite ; je ne puis y remédier.

— Vous vous moquez ? Il faut tâcher d’y remédier de quelque manière que ce soit : du reste, Richard Varney, voyez-vous, tant à cause de son influence sur l’esprit de milord qu’à cause de ses prétentions aux privilèges antiques et vexatoires dont jouissait l’abbé de Cumnor, est craint ici au point qu’on n’ose prononcer son nom et encore moins contrarier ses intrigues. Vous pouvez en juger par les discours tenus hier soir. Chacun a parlé comme il a voulu sur le compte de Foster, mais pas un seul mot n’a été dit sur Varney, et pourtant on est généralement convaincu qu’il est l’âme du mystère que l’on garde au sujet de la jolie dame. Mais peut-être en savez-vous sur cette affaire plus que moi ; car les dames, bien qu’elles ne portent pas d’épées, sont souvent cause qu’une lame échange son fourreau de cuir de vache contre un autre de chair et de sang.

— Il n’est que trop vrai, mon cher hôte, j’en sais plus que vous au sujet de cette infortunée ; et je suis en ce moment tellement dépourvu d’amis et de conseils, que ce que j’ai de mieux à faire est de vous raconter toute l’histoire. D’ailleurs, j’aurai à vous demander un service quand mon récit sera terminé.