Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/138

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« Tout ce que je puis comprendre à ce jargon, ce sont les derniers mots, qui semblent vouloir dire : Devine qui pourra.

— C’est précisément le principe que mon digne ami Doboobie a toujours mis en pratique, reprit le forgeron, jusqu’à ce que, dupé par sa propre imagination et infatué de son savoir en chimie, il se mit à dépenser, en s’abusant lui-même, l’argent qu’il avait gagné en abusant les autres. Je n’ai jamais pu savoir s’il découvrit par hasard ou fit construire exprès ce laboratoire secret où il se renfermait d’ordinaire loin de ses pratiques et de ses disciples, qui croyaient sans doute que ses longues et mystérieuses absences de sa résidence ordinaire à Faringdon étaient occasionnées par ses études dans les sciences mystiques ou ses relations avec le monde invisible. Il essaya aussi de me tromper ; mais quoique je n’en fisse pas semblant, il vit que je connaissais trop ses secrets pour être plus long-temps un compagnon sûr pour lui. Cependant son nom devint fameux, ou plutôt infâme, et la plupart des personnes qui venaient le consulter, le faisaient dans la persuasion qu’il était sorcier. Ses progrès supposés dans les sciences occultes lui attiraient aussi les secrètes visites d’hommes trop puissants pour être nommés, et dont il serait trop dangereux de faire connaître les projets. On le maudissait, on le menaçait, et moi, aide innocent de ses études, on me donna le surnom de Messager du Diable, ce qui me valait une volée de pierres chaque fois que je me montrais dans les rues du village. Enfin mon maître disparut un beau jour en me disant qu’il allait visiter son laboratoire, le même que vous voyez, en me défendant de venir l’y troubler de deux jours. Quand ce laps de temps fut écoulé, je conçus des inquiétudes, et je vins ici, où je trouvai le feu éteint et tous ces ustensiles sens dessus dessous, avec une note de la main de Doboobie, comme il avait coutume de se nommer lui-même. Par cette note il m’annonçait que, ne devant plus nous revoir, il me léguait son appareil chimique et le parchemin que je vous ai montré tout à l’heure, en me conseillant de suivre ponctuellement les instructions secrètes qu’il contenait, et qui devaient me conduire infailliblement à la découverte du grand œuvre.

— Et suivis-tu ce sage conseil ? dit Tressilian.

— Non, monsieur ; car étant prudent et soupçonneux de ma nature, et connaissant d’ailleurs le personnage à qui j’avais affaire,