Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le parloir où ils trouvèrent sir Hugh Robsart de Lidcote était une vaste salle décorée d’instruments et de trophées de chasse ; auprès de la cheminée, au dessus de laquelle étaient suspendues une épée et une armure complète que la rouille avait ternies, était assis le bon vieillard, homme de haute stature, chez qui l’habitude des exercices violents avait toujours entretenu une corpulence raisonnable. Il sembla à Tressilian que pendant le peu de semaines qu’avait duré son absence, la léthargie dont son vieil ami paraissait attaqué avait accru son embonpoint. Ce qu’il y a de certain c’est qu’elle avait remarquablement affaibli la vivacité de ses yeux, qui suivirent d’abord M. Mumblazen quand il entra, jusqu’à un grand pupitre de chêne sur lequel un énorme volume était ouvert, puis s’arrêtèrent comme incertains sur l’étranger qui l’accompagnait. Le ministre, vieil ecclésiastique qui avait été persécuté du temps de la reine Marie, était assis, un livre à la main, dans un autre coin de l’appartement. Il salua aussi Tressilian avec un air de tristesse, et mit de côté le volume qu’il tenait, pour observer l’effet que sa vue produisait sur le malheureux vieillard.

À mesure que Tressilian, les yeux remplis de larmes, s’approchait du père de celle qui lui avait été promise pour épouse, la raison de sir Hugh semblait reprendre le dessus. Il poussa un long soupir, comme un homme qui sort d’un état de stupeur, ouvrit ses bras sans dire un mot, et quand Tressilian s’y précipita il le serra contre son sein.

« Il reste donc encore quelque chose qui m’attache à la vie ! » telles furent les premières paroles qu’il fit entendre ; et comme il prononçait ces mots, il donna cours à ses sentiments en versant un déluge de larmes qui inondèrent ses joues brûlées du soleil et sa longue barbe blanche.

« Je n’aurais jamais cru, dit Will Badger, que j’aurais à remercier Dieu de voir mon maître pleurer ; mais je le fais en ce moment, quoique je sois prêt à pleurer aussi.

— Je ne te ferai aucune question, dit le vieux chevalier, aucune, Edmond… Sans doute tu ne l’as pas trouvée, ou, si tu l’as trouvée, ce sera telle qu’il vaudrait mieux l’avoir perdue. »

Tressilian fut incapable de répondre autrement qu’en se couvrant le visage de ses mains.

« C’en est assez… c’en est assez… Mais ne la pleure pas, Edmond. J’ai sujet de la pleurer, moi ; elle était ma fille… Mais toi tu as sujet de te réjouir de ce qu’elle n’est pas devenue ta femme…