Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/166

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vant vous, car nous allons quitter la grand’rue, et nous irons deux fois plus vite si je vous montre le chemin. »

Tressilian y consentit, et, suivant le maréchal dans une ruelle qui tournait à gauche du côté de la rivière, il reconnut que son guide devait connaître parfaitement la ville, car il marchait très vite à travers un labyrinthe de rues détournées, de cours et de passages obscurs. Enfin il s’arrêta au milieu d’une rue fort étroite, au bout de laquelle on apercevait confusément la Tamise et les mâts de deux bâtiments qui attendaient la marée pour partir. La boutique devant laquelle il s’arrêta n’avait pas, comme celles de nos jours, des fenêtres vitrées ; mais un méchant rideau de grosse toile entourait une espèce d’échoppe de savetier, ouverte par devant comme les boutiques de marchands de poisson de notre époque. Un petit vieillard à la figure blême, et dont l’extérieur annonçait toute autre chose qu’un juif, car il avait les cheveux lisses et point de barbe, se présenta, et avec force salutations demanda à Wayland ce qu’il y avait pour son service. Il n’eut pas plutôt nommé la drogue en question, que le juif fit un mouvement de surprise. « Et quel besoin, » dit-il en mauvais anglais, « peut avoir Votre Honneur d’une drogue que je n’ai pas entendu nommer depuis quarante ans que je suis apothicaire en cette ville ?

— Je ne suis point chargé de répondre à ces questions, dit Wayland ; je désire seulement savoir si vous avez la drogue dont j’ai besoin, et si, dans le cas où vous en auriez, vous voulez m’en vendre.

— Eh, mon Dieu ! pour en avoir, j’en ai ; et pour en vendre, je suis apothicaire, et je vends toute espèce de drogues. » En disant ces mots, il lui présenta une poudre. « Mais cela vous coûtera cher, ajouta-t-il. Ce que j’en ai a coûté son pesant d’or ; oui, et de l’or le plus pur… Cette poudre vient du mont Sinaï, où nous fut donnée notre sainte loi ; et la plante ne fleurit que tous les cent ans.

— Je ne sais pas si on en récolte souvent ou non sur le mont Sinaï, » dit Wayland après avoir regardé avec mépris la drogue qui lui était offerte ; « mais je gagerais mon épée et mon bouclier contre votre gaban, que ce que vous me présentez au lieu de ce que je vous ai demandé, ne coûte que la peine d’être ramassé dans les fossés du château d’Alep.

— Vous êtes un terrible homme, dit le juif ; au surplus, je n’ai rien de meilleur, et quand j’aurais un meilleur médicament, je ne