Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rieures qui m’ont un moment affecté l’esprit et le corps ! Je me suis présenté devant vous suspect et accusé ; votre bonté a percé les nuages de la calomnie, m’a rendu mon honneur, et, ce qui m’est encore plus cher, votre faveur. Est-il étonnant, quelque malheureux que ce soit pour moi, que mon écuyer m’ait trouvé dans un état qui me laissait à peine la force de l’accompagner jusqu’ici, où un regard de Votre Majesté, quoique, hélas ! ce soit un regard de courroux, a eu le pouvoir de produire sur moi ce qu’eût vainement tenté Esculape lui-même.

— Quoi donc ! » dit précipitamment Élisabeth en se tournant vers Varney, « votre maître s’est-il trouvé mal ?

— Il a éprouvé une espèce de faiblesse, répondit l’habile et rusé Varney, comme Votre Majesté peut le voir à son état actuel. L’empressement de milord ne lui a pas permis de réparer le désordre de sa toilette.

— Peu importe ! » dit Élisabeth en jetant un regard sur la noble figure de Leicester, à qui le mélange singulier des passions qui naguère l’avaient agité donnait un air plus intéressant encore : « Faites place à mon noble lord, dit-elle… Votre place, monsieur Varney, a été prise, vous en trouverez une dans une autre barque. «

Varney salua et se retira.

« Et vous aussi, notre jeune chevalier du manteau, » ajouta-t-elle en s’adressant à Raleigh, « il faut que vous passiez dans le bateau de nos dames d’honneur. Quant à Tressilian, il a déjà trop souffert des caprices des femmes, pour que je l’afflige encore en le déplaçant. »

Leicester prit place dans la barque, auprès de la reine ; Raleigh se leva pour se retirer, et Tressilian aurait été assez maladroitement poli pour offrir d’abandonner sa place à son ami, si un coup d’œil expressif de Raleigh lui-même, qui semblait maintenant être dans son élément, ne lui eût fait sentir qu’un pareil empressement à renoncer à la faveur royale pourrait être mal interprété. Il resta donc tranquillement assis, tandis que Raleigh, avec un profond salut, et un air de profonde humiliation, se préparait à se retirer.

Un noble courtisan, le galant lord Willoughby, crut lire dans les yeux de la reine une sorte de pitié pour la mortification réelle ou affectée de Raleigh. « Ce n’est pas à nous, vieux courtisans, dit-il, de cacher aux jeunes l’éclat du soleil. Avec la permission de Sa Majesté, je renoncerai pour une heure à ce que ses sujets ont de