Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/221

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blanc, transformant une belle bataille en une sotte plaisanterie ? qu’est-ce en comparaison du noble spectacle des combats d’ours qui a été honoré de la présence de Votre Majesté et de celle de vos prédécesseurs, en ce royaume fameux dans toute la chrétienté pour ses incomparables dogues et la hardiesse de ses gardiens d’ours ? Il est grandement à craindre que ces deux races d’animaux ne dégénèrent, si le public s’amuse de préférence à aller entendre un sot acteur cracher de ses poumons des phrases ampoulées et vides de sens, au lieu de donner leur penny pour encourager la plus noble image de la guerre qu’on puisse voir en temps de paix, c’est-à-dire les divertissements du parc aux ours. Là vous voyez l’ours en arrêt avec son œil étincelant, épiant l’attaque du dogue, comme un rusé capitaine qui reste sur la défensive pour attirer l’ennemi dans le piège. Alors sire Matin, en digne champion, s’élance dans la carrière et saute à la gorge de son adversaire ; sire Bruin lui montre quelle est la récompense de ceux qui, dans l’emportement de leur courage, négligent les règles de l’art de la guerre, et, le saisissant entre ses bras, il le presse contre sa poitrine à la manière d’un vigoureux lutteur, jusqu’à ce que les côtes de sa victime craquent l’une après l’autre, comme un pistolet. Alors un autre mâtin aussi hardi, mais plus avisé et plus prudent, saisit Bruin par la lèvre inférieure, et y reste suspendu, tandis que celui-ci vomit des flots de sang et de salive, et s’efforce vainement de faire lâcher prise à sire Talbot. Puis…

— Sur mon honneur, milord, votre description est si admirable que, si nous n’avions jamais vu de combats d’ours comme nous en avons vu, et nous espérons en voir encore avec l’aide du ciel, vos paroles suffiraient pour nous en donner une complète idée. Mais voyons, qui parlera encore sur ce sujet ? Milord Leicester, qu’avez-vous à dire ?

— Avec la permission de Votre Majesté, je dois donc me considérer comme démuselé ? dit Leicester.

— Sans doute, milord ; c’est-à-dire si vous vous sentez assez remis pour prendre part à notre badinage ; et cependant quand je pense que vous avez l’ours et le bâton brisé dans vos armes, il me semble qu’il vaudrait mieux entendre quelque orateur moins partial.

— Sur ma parole, gracieuse princesse, répliqua le comte, quoique mon frère de Warwick et moi ayons dans nos antiques armoiries les emblèmes dont Votre Majesté daigne se souvenir, mon vœu le