Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en surveiller les effets et administrer des secours en cas de besoin.

— Tu régleras le tout, dit Varney, et tu recevras une récompense digne d’un prince, si tu prends bien tes mesures, et que tu n’excèdes pas la dose convenable pour ne point la mettre en danger : autrement, ta punition ne sera pas moins éclatante.

— Pour ne point la mettre en danger ! répondit Alasco ; c’est donc sur une femme que va s’exercer ma science ?

— Non pas, sot que tu es ; ne t’ai-je pas dit que c’était un oiseau, une linotte apprivoisée, dont le chant pourrait arrêter un faucon prêt à fondre sur sa proie… ? Je vois ton œil étinceler, et je sais que ta barbe n’est pas aussi blanche que ton art a su la faire… Voilà du moins une chose que tu as pu changer en argent. Mais, écoute-moi, il ne s’agit pas d’une femme pour toi. Cette linotte en cage est chère à quelqu’un qui ne souffrira pas de rival, surtout un rival comme toi, et, sur toute chose, tu dois prendre garde à compromettre sa santé. Mais il peut se faire qu’elle soit appelée aux fêtes de Kenilworth ; et il est urgent, nécessaire, qu’elle ne dirige point son vol de ce côté. Quant à ces mesures et à leurs causes, il n’y a pas de nécessité qu’elle en sache rien, et il est à croire que son désir la porterait à combattre toutes les raisons ordinaires qu’on pourrait alléguer pour la retenir dans sa prison.

— C’est tout naturel, » dit l’alchimiste avec un sourire étrange, qui cependant se rapprochait plus du caractère humain que l’expression indifférente et extatique ordinaire à sa physionomie, expression qui semblait se rapporter à un monde éloigné de celui au milieu duquel il vivait.

« C’est juste, dit Varney ; tu connais bien les femmes, quoique probablement tu ne les fréquentes plus depuis long-temps. Eh bien donc ! il ne faut pas la contrarier cependant il ne faut pas non plus trop lui complaire… Or, tu comprends… une légère maladie suffisante pour lui ôter le désir de s’éloigner de sa demeure, et faire en sorte que ceux de tes savants confrères qu’on pourrait faire venir pour t’assister, lui recommandent de garder tranquillement sa chambre : voilà tout ce dont il s’agit. Tu rendras par là un grand service, et tu seras récompensé en conséquence.

— On ne me demande donc pas d’affecter la maison de vie ?

— Au contraire, nous te ferons pendre si tu le fais.

— Et l’on me ménagera, dit Alasco, une occasion pour faire le coup, et toute espèce de facilités pour me cacher ou m’échapper en cas de découverte ?